Si ce n’est point Alfred Musset qui l’a dit, je ne doute pas qu’un autre ait, un jour, eut cette répartie. Un puriste. Un anglais, probablement, qui avait eu des vapeurs en voyant un béotien presser son sachet de thé contre le bord de sa tasse avec sa petite cuillère.
Il est arrivé une mésaventure de non-initiée à ma copinaute blogonaute des Lectures d’Alexiane. Alors que la pauvrette sortait d’une séance de travail éprouvante, on lui proposa une pause thé. La charmante enfant qui n’avait que fort peu bu de thé dans sa vie, se laissa tenter et demanda avis. On lui conseilla un thé Lipton en sachet au citron.
UN THÉ.
LIPTON.
EN SACHET.
AU CITRON !
Que les hérétiques qui ont osé lui conseillé une horreur pareille lèvent la main.
« J’adresse un défi collectif au parterre! -J’inscris les noms! -Approchez-vous, jeunes héros! Chacun son tour! Je vais donner des numéros!- Allons, quel est celui qui veut ouvrir la liste? Vous, Monsieur? Non! Vous? Non! Le premier duelliste, Je l’expédie avec les honneurs qu’on lui doit! -Que tous ceux qui veulent mourir lèvent le doigt. ~Silence~ La pudeur vous défend de voir ma lame nue? Pas un nom? -Pas un doigt? -C’est bien. Je continue. »
Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand, Acte I, scène 1
Comme de juste, ce qui devait arriver, arriva, notre novice recracha séant l’infâme breuvage et jura qu’on ne lui reprendrait plus.
Et pour cause… Comment pourrait-on lui jeter la pierre ?
Le thé Lipton en sachet, ce n’est pas du thé. Comme le soulignait ma chère experte d’Un bouquin dans la Tasse « ce sont des restes de feuilles ». De fait, une demi-seconde d’infusion de trop et vous avez une lavasse amère et âcre.
Âcre ou âpre ? Oh un peu des deux mon bon ami !
C’est un peu comme si je vous faisais une tartiflette avec juste la croûte du reblochon. Bonjour la saveur !
Le thé Lipton en sachet c’est le truc que tu bois quand tu es malade et que tu veux boire un truc chaud sans gaspiller, parce que de toutes façons, tu n’as ni goût, ni odorat.
C’est le truc qu’on te file en avion parce que tes papilles sont saturées à cause de la pressurisation. C’est juste un cran au dessus du thé de la machine automatique au bureau, parce que celui de la machine c’est de l’eau aromatisée avec beaucoup de sucre.
C’est le truc que je laisse à mon Alter Ego Conjugal le matin quand je suis fâchée contre lui et que je refuse de lui faire sa théière.
Un amateur de thé qui offrirait ça à un débutant, ce serait juste un fourbe qui voudrait protéger ses réserves.
Bref, mes amis, soyons raisonnables, on peut ne pas aimer le thé. Tous les goûts sont dans la nature.
Mais si vous voulez réellement en avoir le cœur net, allez donc dans un endroit accueillant, appelé salon de thé.
Un vrai.
Faites vous conseiller par l’hôte des lieux.
Choisissez selon vos goûts: fruité, fleuré, fumé, corsé, frais, léger, blanc, rouge, noir, vert.
Prenez le temps de déguster.
Là, vous aurez eu une vraie expérience du thé.
Mais jamais au grand jamais, ne vous basez sur un thé de supermarché.
Pardonnez ma véhémence sur un sujet si futile, mais de bafouer un palais vierge avec une telle hérésie, mes papilles s’en sont ulcérées. Cette morale vaut bien une tasse sans doute…
Sur ces paroles outrées, je vais me retirer, j’ai une théière à aller saluer.
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