En juillet dernier, je poussais un premier coup de gueule contre l’ami Bolloré qui s’attaquait aux Guignols.
Malgré l’esbroufe phénoménal que cette annonce avait faite, Bolloré avait finalement feint de faire machine arrière avant de réussir son coup dans le feutré. Exit les auteurs historiques des Guignols, bonjour Ersatz pseudo-satirique fadasse.
Aujourd’hui il semble prêt à remettre le couvert avec Le Petit Journal. Non ? Si ! Rien ne l’arrête !
C’est l’article publié par Daffodils and Sunflowers qui m’a alertée. Et vous pensez bien que, dégringolant de mon plumard, je me suis empressée d’aller vérifier l’information, hélas largement relayée dans les médias depuis le 13 avril.
Tous reprennent la théorie selon laquelle Bolloré voudrait éliminer les programmes en clair devenus trop coûteux pour se concentrer sur les programmes premiums. Canal + deviendrait donc purement et simplement une PayTV en mode Netflix.
Et dans la ligne de mire, Le Petit Journal est le premier sur la liste, car très onéreux.
Voilà le problème résumé en quelques mots.
Maintenant voici mon problème…
Je ne prétends pas avoir des notions d’économie et de gestion mais pour faire des économies sur des programmes en clair, ce monsieur va donc taper sur la SEULE émission gratuite de Canal qui soit encore rentable avec 1.6 million de téléspectateurs en moyenne.
Certes, c’est la plus chère, mais ne serait-il pas logique de s’occuper de celles qui ne marchent pas du tout en premier ? Le Grand Journal par exemple dont les audiences catastrophiques souffrent de l’image de Maïtena Biraben. Tant qu’à faire tomber des têtes…
Et puis, j’ai de façon globale un problème avec le nettoyage opéré depuis juillet par Monsieur Bolloré.
Cet homme-là est en train d’assassiner Canal +. Sans aucune vergogne. Il n’a aucun tabou, disent ses amis, selon les médias. Effectivement. Il détruit méthodiquement tout ce qui a fait la substance, l’essence de Canal +, servant au passage ses amis politiques. Cela ne fait pas de mal, 2017 approche…
Dans quel but ?
Vous voulez mon hypothèse ? Je pense qu’en effet, Bolloré est en train de faire de Canal une coquille vide, creuse afin de la transformer en chaîne dédiée aux programmes premium. Qu’elle y perde ce qui faisait d’elle une chaîne différente, il s’en contrefout. C’est la rentabilité qui l’intéresse. L’esprit critique, satirique, décalé, novateur, tout cela il s’en balance joyeusement. Surtout que, rappelez-vous son propos au sujet des Guignols :
« Je préfère quand ils sont plus dans la découverte que dans la dérision. Parce que parfois, c’est un peu blessant ou désagréable. Se moquer de soi-même, c’est bien. Se moquer des autres, c’est moins bien. »
Oui, se moquer c’est mal. Même pour dénoncer. Même pour inciter les gens à réfléchir.
Surtout quand ça risque d’inciter les gens à réfléchir.
Surtout quand cela touche à ses relations…
Après ce type de réflexion, vous vous étonnez, vous, que Le Petit Journal soit le premier sur la liste. Moi, pas vraiment. Et je me pose la question et je vous la pose du même coup : Pensez-vous vraiment que tout cela ne soit qu’une histoire de coûts ?
Ou n’y-a-t-il là-dessous que la mise en place des véritables projets de Bolloré pour la chaîne et un soupçon de relations et d’influences ?
Le grand nettoyage opéré par ce dernier à tous les niveaux depuis sa prise de fonction n’en est-il pas une preuve ? 29 millions d’euros pour plus d’une quarantaine de départs forcés parmi les dirigeants et cadres de Canal, depuis la rentrée. On nettoie, on négocie et on muselle. Ce n’est plus Monsieur Bolloré c’est Monsieur Propre.
Soyons clairs, puisque Canal n’aura plus l’occasion de l’être apparemment. Il n’est pas question de convictions politiques dans cet article. Je ne suis pas en train de parler de gauche et de droite. Ce qui d’ailleurs en ce moment est bonnet blanc et blanc bonnet, vu les discours des uns et des autres. Je vous parle d’esprit critique, d’analyse, de diversité et, oui aussi un peu, de liberté d’expression.
Ils ne sont pas tout blancs à Canal. Ils ont, eux aussi, leurs magouilles, leurs casseroles, leur cuisine interne pas très nette et ça leur est arrivé d’aller un peu trop loin.
Cependant, bien que leur esprit frondeur et novateur se soit un peu émoussé au fil des années, les programmes en clair de Canal + restaient la voix dissonante du paysage audiovisuel. L’espace de liberté où l’on osait brocarder, moquer, dénoncer, toucher les points sensibles des politiques et soulever les questions qui fâchent.
Ces programmes étaient la vitrine de la chaîne. Ils étaient le reflet de son essence, de son esprit. Les Guignols en étaient la figure de proue. Le Petit Journal en assurait le relais.
Si vous pensez vraiment que cet homme-là a pour ambition de sauver Canal +, vous êtes délicieusement naïf et j’envie votre crédulité. Cet homme a pour objectif de ne garder qu’un nom emblématique sur une jolie façade. Mais ce qu’il y aura derrière n’aura plus rien de commun avec ce que nous, spectateurs, nommons Canal +.
Je pense que Beaumarchais aurait résumé la situation en disant que Bolloré se doit se plumer la dinde sans la faire crier afin de la farcir.
Réjouissez-vous bon peuple ! D’ici quelques temps, vous aurez une belle dinde rôtie à sa façon, fade et insipide en lieu et place de notre impertinent chapon.
Post-Scriptum: Si je n’ai pas mis le nom de ce monsieur en gras, ce n’est pas une omission, c’est juste que je le méprise souverainement.
Laisser un commentaire