Fiche technique.
Sortie : 2010
Réal. : Tom Hooper.
Casting: Colin Firth, Helena Boham-Carter, Geoffrey Rush, Jenifer Ehle, Michael Gambon, Derek Jacobi, Guy Pearce, Thimothy Spall.
Synopsis.
Nous sommes au Royaume-Uni dans les années 1930, le Prince Albert, Duc d’York et second héritier en lice du trône d’Angleterre, souffre d’un grave problème de bégaiement qui l’entrave dans ses obligations royales. Ses rares discours en public sont des désastres cuisants. Pourtant sa femme Elisabeth ne désespère pas de pouvoir aider son mari et l’encourage à aller consulter un orthophoniste australien aux méthodes peu conventionnelles, le Docteur Lionel Logue. Alors que le Duc se bat contre son bégaiement, son destin bascule : son frère Édouard VIII, monté sur le trône en 1936, décide d’abdiquer. A l’aube de la Seconde Guerre Mondiale, voilà Albert propulsé roi sous le nom de Georges VI. Mais le nouveau monarque parviendra-t-il à assumer ses fonctions et à faire entendre sa voix à ses peuples ? Présent à ses côtés, luttant main dans la main à chaque étape, Lionel Logue fera de son mieux pour aider celui qu’il estime digne de devenir roi. Entre les deux hommes, cette bataille de longue haleine construit une amitié pas forcément évidente mais qui durera jusqu’à la mort.
L’histoire d’une amitié et d’un homme appelé à devenir la voix de la nation quand lui-même peinait à faire entendre la sienne.
Mon avis.
Appréciant énormément Colin Firth, ce film manquait à mon visionnage de sa filmographie et cela faisait un moment que je souhaitais réparer cette erreur. Merci donc à France 3 qui a eu l’idée de le rediffuser hier soir.
Tiré d’une histoire vraie, le film met en lumière différents sujets à travers sa narration. Le premier d’entre eux est évidemment le handicap du bégaiement, ses traitements et ses causes parfois psychologiques. De façon atypique et très peu conventionnelle pour l’époque, le Docteur Logue est le premier à rechercher le déclencheur du bégaiement dans l’histoire de son patient. Il apparaît d’ailleurs que le Duc d’York se trouve oppressé entre les personnalités de son frère aîné et de son père et que son bégaiement a été traité de façons dures et souvent inappropriées. Même adulte, on voit encore son père Georges V lui intimer « Mais crachez-le » en parlant d’un mot, comme s’il ne s’agissait là que d’une question de volonté.
L’impact du bégaiement d’Albert sur ses devoirs royaux et l’obstacle que cela constitue pour lui à son titre de roi met en lumière le rôle de la personne royale. Lorsque son destin bascule, on perçoit toute la symbolique attachée au roi et à sa fonction, ainsi que l’ampleur du défi qui se dresse devant lui.
Dans la monarchie constitutionnelle anglaise, le roi reste un modèle, celui qui guide la population par son attitude, il est la voix de la nation en particulier dans la période troublée qui s’annonce. Comment Albert devenu Georges VI pourrait-il incarner ce rôle s’il ne peut pas s’adresser à la nation ?
Enfin, toujours par le biais de la spécificité de la personne royale, le film nous raconte cette amitié particulière qui va naître entre ce thérapeute peu ordinaire et cet homme destiné aux hautes sphères du pouvoir, coupé de tout et solitaire. Cela rend évident la différence sociale qui les sépare, comme un fossé entre deux mondes. Deux hommes qui n’auraient jamais du se côtoyer en temps normal, mais dont les chemins vont se croiser par un effet du destin.
Lionel Logue: Oh, surely a prince’s brain knows what its mouth’s doing?
King George VI: You’re not… well acquainted with royal princes, are you?
Dans ce contexte, le jeu d’acteurs du duo Colin Firth/ Geoffrey Rush est tout simplement merveilleux de justesse et d’équilibre. J’avais déjà pu apprécié auparavant la palette de jeu de Geoffrey Rush et son personnage savoureux de Barbossa m’avait particulièrement marquée dans Pirates of the Carribeans. Mais c’est ici une toute autre facette de l’acteur qui se révèle, toute en humanité et en nuances.
Le Lionel Logue qu’il nous dévoile est à la fois convaincu des capacités de son patient et de ce qu’il peut en obtenir et hésitant quant au terrain nouveau sur lequel il s’avance. L’homme à qui il a affaire est imprégné de son statut et des usages royaux, il n’est pas aisé d’accès, se livre difficilement et s’accorde mal avec les procédés dont le thérapeute use d’ordinaire. Pourtant, en dépit des discordances entre eux, celui-ci ne peut se résoudre à abandonner.
C’est une fragile confiance qui se bâtit lentement entre les deux hommes au fil des difficultés. Plus que de simplement vaincre le handicap, c’est l’homme lui-même que Lionel Logue parviendra à changer. Et l’Histoire en témoigne avec cet extrait de la lettre que la reine Elisabeth, épouse de Georges VI, envoya au thérapeute peu après le décès du roi :
« Je sais peut-être mieux que quiconque à quel point vous avez aidé le roi, à quel point vous avez influé non seulement sur son élocution, mais aussi sur toute sa vie et sa vision de la vie. Je vous serai à jamais reconnaissante de tout ce que vous avez fait pour lui.«
De façon subtile ce changement est perceptible dans le film à travers l’évolution de la relation entre les deux personnages. A n’en pas douter la lecture du journal de Lionel Logue a grandement nourri l’interprétation de Geoffrey Rush. Singulière et émouvante cette relation entre un homme qui est convaincu de ne pas être ce qu’il est, à cause de son handicap, et de celui qui tient à vaincre ce handicap pour lui révéler à lui-même qui il est.
D’ailleurs, l’interprétation sublime de Colin Firth se révèle être l’autre pierre angulaire du film . Si ce n’est pas la première fois que l’acteur se glisse dans la peau d’un personnage bègue, on peut dire sans l’ombre d’un doute que cette performance est l’une des meilleures. Je ne dirais pas qu’elle le porte au sommet de son art car on est toujours surpris avec Colin Firth et on en attend toujours le meilleur, mais pas loin.
Ou presque si vous regardez la vidéo suivante jusqu’au bout…
Il nous livre le portrait d’un homme intègre et intelligent, capable d’humour et d’autodérision, mais pris au piège de ce handicap qui va à l’encontre de ce qu’il est et représente. Plus que le handicap lui-même, c’est l’angoisse générée par celui-ci qui pèse comme un poids étouffant que l’acteur parvient à transcrire. On peine avec lui de ses efforts, on s’émeut de cette torture permanente, de son isolement aussi. Il y a sans aucun doute quelque chose d’héroïque dans ce roi qui se bat pour faire entendre sa voix, pour être roi, car c’est une bataille de chaque instant, de chaque mot.
Pourtant jamais le film ne glisse dans le pathétique. Grave, sincère et doux il s’illumine de petites touches d’humour auxquelles le personnage d’Elisabeth portée Helena Bonham-Carter n’est pas étranger. Bien loin de ses registres habituels d’excentrique ou de méchante, elle campe une épouse tendre et dévouée, pleine d’humour et de ressources et résolue à ne pas abandonner.
Et quel plaisir au passage de retrouver (entre autres !) Jennifer Ehle (Pride&Prejudice, BBC 1995) dans le rôle d’une Mrs Logue avisée et douce. Cette scène entre les deux, les hommes de l’autre côté du mur, est tout simplement un petit moment de bonheur et on ose souhaiter qu’elle ait vraiment existé.
Je pourrais décortiquer le film en long et en large encore longtemps pour vous expliquer avec quelle finesse il nous restitue cette petite part de l’histoire royale et nous éclaire sur bien des aspects. Mais le meilleur des arguments est encore de visionner le film et de le laisser vous parler. Plus que vous ne pourriez l’imaginez, la fiction rejoint la réalité.
Une dernière chose avant de vous quitter : Outre son merveilleux casting pleinement investi et un excellent réalisateur, si le film parvient à traiter si justement son sujet c’est que son scénariste David Seidler a lui-même souffert de bégaiement et a été vivement inspiré par l’exemple du roi Georges VI.
Il est à noter que le roi fut le premier patient à avoir été complètement et véritablement traité pour cette pathologie. Si le roi parvint à surmonter son bégaiement -et non à le faire disparaître totalement, la nuance est importante- Lionel Logue l’aida pour tous ses discours et ils restèrent amis jusqu’à leur mort précise l’épilogue du film.
Et c’est cela au final dont il est question : d’une amitié improbable et sincère qui se construisit dans et à travers des épreuves, des petites discordes, des grandes victoires, avec du courage et de la confiance. Parce-que quel que soit l’homme et ses faiblesses, parfois ce qui lui manque juste pour se sentir roi, c’est un ami.
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