Fiche technique
Sortie : 2016
Producteur : Netflix
Créateur : Peter Morgan, Stephen Daldry
Casting : Claire Foy, Matt Smith, John Lithgow, Victoria Hamilton, Jared Harris, Ben Miles, Vanessa Kirby.
Synopsis
Alors que le roi Georges VI se meurt lentement d’un cancer, la jeune Elisabeth, âgée de tout juste ving-cinq ans, se prépare à monter sur le trône. Mais après cette seconde guerre qui a secoué le monde, la future souveraine doit face aux mutations de la modernité et à un empire en déclin où l’image de la monarchie est fragilisée.
Sous le poids de la couronne, elle se découvre mal préparée à son destin de souveraine et en butte aux difficultés que suscite sa fonction dans sa vie personnelle…
Mon avis.
Au terme du visionnage de cette première saison, The Crown se révèle l’agréable surprise que j’avais espérée. Sans tomber dans un voyeurisme malséant, la série s’inspire de faits réels pour nous entraîner dans l’intimité de la monarchie britannique. Suivant les premiers pas hésitants d’Elisabeth dans ses nouvelles fonctions de reine, on appréhende sous un jour nouveau et plus humain, les difficultés qu’elle doit affronter. Trouver sa place en tant que souveraine mais aussi en tant qu’épouse, que femme, que mère et que fille ou soeur n’est pas forcément une évidence, tant les changements induits dans sa vie par ses nouvelles fonctions sont profonds.
Chacun de ses actes est désormais une représentation de la monarchie. Il lui faut à présent jouer le jeu subtil de la politique auquel elle n’entend encore rien, tout en trouvant un équilibre dans son jeune couple dont l’harmonie se trouve mise à mal par ce nouveau statut. En effet, de l’épouse ou de la reine, qui doit prendre le pas ?
S’il faut bien admettre que son Duc d’Édimbourg de mari n’est pas à priori la personne la plus sympathique du tableau (tout du moins dans la vie réelle), le pauvre homme a tout de même quelque raison de se sentir spolié. Du jour au lendemain, il voit sa carrière s’envoler pour être réduit à un fantoche d’apparat, sa résidence imposée, le nom de son épouse changé, doit demander l’autorisation au conseil d’état pour ses loisirs… On a beau être prévenu, il y a de quoi nourrir quelque ressentiment. Sans compter que, dans une société encore profondément machiste et patriarcale, il doit désormais céder la préséance à son épouse, sous laquelle il se retrouve désormais placé.
Non, résolument, les décisions que doit prendre Elisabeth ne sont pas faciles, et si la série ne rend pas réellement la Queen Mother plus sympathique, on perçoit les doutes, les hésitations, les dilemmes et le sens du devoir absolu qui ont forgé la souveraine. Le scénario utilise à merveille les événements historiques pour montrer son évolution et comment Elisabeth Windsor cède peu à peu la place à Elisabeth II, non sans dommage pour son entourage. Le poids que représente la couronne est véritablement personnalisé de façon métaphorique. Car ne nous-y-trompons pas, plus qu’Elisabeth c’est la monarchie qui elle-même représentée ici à proprement parler, avec son lot de contraintes, d’interdits, de devoirs. Cet abandon de l’individu au profit de la royauté. D’Elisabeth au profit de la Reine.
C’est aussi une approche différente de cette monarchie fragilisée qui connaît ses premiers soubresauts et qui va devoir composer, s’adapter face à l’ère nouvelle de modernité et de mutations qui s’ouvre devant elle. D’ailleurs le scénariste Peter Morgan (aussi scénariste du film The Queen de 2006 avec Helen Mirren) le souligne lui-même :
« Elisabeth II est un prisme unique par lequel étudier la seconde moitié du vingtième siècle »
Entre modernité et devoir, la reine va devoir faire des choix cruciaux, qui ne seront parfois pas les bons. On découvre d’ailleurs une Elisabeth plus ouverte d’esprit au début de ce règne, que ce que l’on pourrait penser aujourd’hui, mais que le manque d’assurance va porter à laisser influencer ou à réviser ses choix.
D’un rythme narratif lent, posé, totalement adapté à son sujet, la série prend le temps de raconter les choses par étapes, afin que le spectateur puisse clairement saisir les enjeux de ce qui se déroule devant lui, même dans les moments qui paraissent les plus anodins.
Portée par un casting de choix, la série met particulièrement en lumière dans les deux premières saisons, Claire Foy qui incarne la souveraine avec une aisance éblouissante. L’interprétation magistrale de l’actrice est supportée par son tandem avec Matt Smith, avec lequel elle incarne le couple royal, mais aussi avec John Lithgow (Winston Churchill dans la série). La justesse et la perfection du casting n’a d’égale que celle du scénario. Il est d’ailleurs appréciable que le scénario, dans son écriture, comme le casting, dans son interprétation, aient à coeur de mettre en avant les ambivalences des personnages dans leurs bons et leurs mauvais côtés.
A cette perle, costumes et décors par leur précision et leur authenticité offrent un écrin de choix, qui confère un cachet d’excellence à la série. De la plume du scénariste à la couronne de sa majesté, tout a été soigné, dans les moindres détails. La robe de mariée de la souveraine dans la série ayant coûté au moins aussi cher en travail et en finances que son original.
Les deux premières saisons qui se sont achevées, marquent le temps d’un changement de casting, dans un souci de crédibilité. Olivia Colman prenant la suite de Claire Foy et Helena Bonham-Carter celle de Vanessa Kirby. La troisième saison est d’ores et déjà en production depuis octobre 2017, même si aucune date de diffusion n’est annoncée. Six saisons sont prévues à terme, pour couvrir chacune une décennie de règne en théorie, les deux premières saisons couvrant une période allant de la fin du début des années 50 (Georges VI décède en 1952) à 1965.
Bien que prenant quelques libertés avec la vérité historique, The Crown est, selon moi, une série de grande qualité, menée par des scénaristes connaissant leur sujet, supportée par un excellent casting, impeccable de bout en bout. Une création Netflix qui ravira les amateurs de drama historique, les amoureux du sujet et les historiens. Gare cependant ! Si vous pensez trouver là une forme de Downton Abbey monarchique, vous risquez d’être un peu déconcerté, car The Crown joue résolument et avec brio la carte de l’Histoire, de la petite comme de la grande, avec une certaine sobriété, mais pour notre plus grand plaisir.
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