« Remember, remember, the Fifth of November, the Gunpowder Treason and Plot.
Tels sont les mots qui ouvrent le film V for Vendetta plantant d’entrée de jeu la tonalité et le décor par cette référence à la Conspiration des poudres du 5 novembre 1605 contre le roi Jacques Ier.
Le prologue se poursuit ainsi :
« I know of no reason why the Gunpowder Treason should ever be forgot… But what of the man? I know his name was Guy Fawkes and I know, in 1605, he attempted to blow up the Houses of Parliament. But who was he really? What was he like? We are told to remember the idea, not the man, because a man can fail. He can be caught, he can be killed and forgotten, but 400 years later, an idea can still change the world. I’ve witnessed first hand the power of ideas, I’ve seen people kill in the name of them, and die defending them… but you cannot kiss an idea, cannot touch it, or hold it… ideas do not bleed, they do not feel pain, they do not love… And it is not an idea that I miss, it is a man… A man that made me remember the Fifth of November. A man that I will never forget. »
Comment résister à l’appel d’une histoire si brillamment introduite ?
Le film
Sortie : 2006
Réal James Mc Teigues
Scénario: Lana et Andy Wachowsky
Casting : Nathalie Portman, Hugo Weaving, Stephen Rea, John Hurt, Stephen Fry, Rupert Graves
Synopsis
Dans le Londres du XXIème siècle, un mystérieux terroriste, se faisant appeler du nom de V fait vaciller le régime totalitaire qui a pris possession du pays.
Dénonçant les mensonges du pouvoir, il cherche à réveiller les consciences des citoyens qui, aveuglés par un besoin de sécurité après une mystérieuse guerre et une dramatique épidémie, ont fermé les yeux sur les dérives du régime.
Au cours de l’une de ses expéditions, son chemin va croiser celui de Evey, une jeune femme dont la vie a été marquée par les exactions.
Leurs destins vont se bouleverser mutuellement.
Mais qui est réellement V ?
Sa vendetta n’est-elle qu’une revanche contre les excès et mensonges du régime, destinée à montrer la voie à la population ?
Ou est-ce un homme assoiffé par sa propre vengeance et la douleur de ce qu’il a subi ?
Maintenant liée à lui par le hasard du destin, Evey va devoir découvrir qui est l’homme derrière le masque.
Est-ce un homme ou une idée ?
Pourquoi le voir ?
De prime abord, j’ai eu une impression contradictoire vis-à-vis de ce film. J’ai été à la fois séduite par la narration, l’histoire et les protagonistes.
Et je n’ai pas réussi à accrocher au héros.
A dire vrai, ce que V fait subir à Evey pour la libérer de ses peurs me mettait terriblement mal à l’aise.
Ce qui était probablement d’ailleurs le but de la manœuvre, maintenir une ambiguïté permanente autour de ce héros à la fois cultivé, raffiné mais se débattant avec sa haine et ses blessures.
Du coup, j’ai du le revoir une seconde fois.
Ma perception a été tout autre. J’ai eu l’impression de suivre le chemin d’Evey, tous les sentiments contradictoires par lesquels elle passait avant l’acception de cet homme dans sa globalité.
Avant de parvenir à comprendre l’abnégation du héros qui, nourri pourtant de sa haine, transcende sa vengeance et ses blessures pour se transformer en instrument de la libération d’un pays.
Étrange.
Étranges sont les effets de cet ovni subversif et brillamment mené qui nous laisse face à de grandes questions.
Jusqu’à quel point un homme peut-il se confondre avec sa cause et comment détermine-t-on que ses intérêts personnels ont pris le dessus ou non sur ses idéaux ?
La violence, moyen d’oppression et de répression, est-elle admissible comme moyen d’action d’une cause juste ? Jusqu’à quel point ?
Question qui semble d’ailleurs déchirer Evey dans sa relation à V.
Pourtant, (sans spoiler), dans la scène finale, plus qu’à la violence c’est au pouvoir des idées, au pouvoir du peuple qui se lève que V fait appel.
La violence avec le meurtre n’est finalement utilisée que comme un levier.
Si elle sert sa vengeance personnelle, elle montre aussi que les membres de ce gouvernement oppressif ne sont pas intouchables, invulnérables.
En faisant vivre l’histoire du point de vue d‘Evey et de l’inspecteur Finch, le film nous force à interroger notre conscience.
Qu’aurions-nous fait dans leur position ?
Aurions-nous suivi/écouté V sans hésiter ?
Si notre gouvernement se rendait coupable de crimes contre sa propre population voudrions-nous savoir ? Saurions-nous faire face ?
Porté par un casting admirable dans son interprétation, le film nous entraîne au coeur de ces interrogations pas forcément si éloignées qu’on voudrait le croire.
Les inspirations
Le scénario est basé sur le comic V for Vendetta crée par Alan Moore et David Lloyd.
Si le premier s’est complètement dissocié du film, affirmant qu’il était contraire au thème original (opposition fascisme/anarchisme), le second a pourtant salué la qualité du script.
Historiquement, le film lui-même fait évidemment référence par de nombreux symboles au fascisme et au nazisme.
D’ailleurs la troublante similitude entre la mise en scène du récit de l’avènement du Chancelier Sutler et certaines scènes d’archives bien connues sur Hitler, ne saurait être ignorée.
Sans compter évidemment la présence de camps rappelant les camps de concentration, le logo rouge et noir, le titre de Sutler, l’utilisation de la peur en période de crise au profit d’un régime et bien d’autres éléments assez facilement décryptables.
Sur ce point, le fait que l’action soit censée se dérouler dans le futur, pourrait constituer une mise en garde sur la récurrence historiques de certains schémas sociaux et politiques.
Outre les références au Comte de Monte Cristo, aussi bien dans le personnage de V que directement dans le film, les allusions au 1984 de George Orwell sont aussi nombreuses, en particulier avec le contrôle des médias et la voix presque omniprésente de Sutler dans les foyers.
Le repère de V fourmille d’œuvres connues, très visibles en arrière plan, son miroir est orné d’une citation de Faust. Tout a été choisi avec soin, avec des allusions jusque dans la musique elle-même et le nom des personnages.
Attention aspirine: V est aussi la façon dont le s’écrit le chiffre 5 en chiffres romains. 5 numéro de la cellule de V dans le camp de rétention.
Maintenant comptez sur vos doigts la 5ème lettre depuis la fin de l’alphabet…
Et la 5ème depuis le début.
Et faites donc le lien avec les noms des deux protagonistes principaux.
Brillant n’est-ce pas ?
De là à dire que le film est riche autant dans ses thématiques que dans son univers, il n’y qu’un pas que je franchis sans hésiter.
C’est d’ailleurs l’un des éléments qui fait toute la saveur du personnage de V en tant que héros à part tout autant que héros à part entière.
D’ailleurs, la verbeuse allitération qui lui sert d’introduction auprès d’Evey à leur première rencontre résume assez sur ce point l’essence du personnage.
Clin d’oeil
Une partie qui devrait faire plaisir à mes amis Sherlockians.
Outre le fait que l’on retrouve ce cher Rupert Grave dans le rôle de Dominic, l’adjoint de l’inspecteur Finch, il est une scène dans la saison 3 de Sherlock qui n’a pas manqué de titiller mon esprit.
*** Attention zone de spoiler ***
Souvenez-vous à la fin de V for Vendetta, il se produit ceci:
Et dans la saison 3, épisode 1 de Sherlock, il est question du 5 novembre, de Guy Fawkes et naturellement d’un complot pour faire exploser le parlement.
Et il se produit ceci :
Alors certes, c’est moins musical, il n’y a pas quinze façon de faire exploser le parlement britannique.
Mais je n’ai pu m’empêcher de noter les quelques similitudes dans la prise de vue des deux plans initiaux.
D’ailleurs la même exacte citation revient :
« Remember, remember, the Fifth of November, the Gunpowder Treason and Plot. »
Il y aurait un petit malin fan de V for Vendetta qui aurait glissé un clin d’oeil, ça ne m’étonnerait qu’à moitié.
Mr Gatiss ?
Après c’est peut-être moi qui associe. Ou c’est involontaire. Mais ça me ferait sourire si c’était le cas.
Parce qu’il faut conclure.
Je crois que vous aurez compris que V for Vendetta a su gagner sa place d’honneur sur mon étagère.
Il n’y a rien de plus à ajouter pour vous convaincre que c’est un film à voir pour ceux qui ne le connaissent pas encore.
A revoir pour les autres.
Alors je vous laisserais sur ce dialogue qui résume, selon moi, le coeur du film:
« Evey Hammond: [reads] Vi Veri Veniversum Vivus Vici.
V: [translates] By the power of truth, I, while living, have conquered the universe.
Evey Hammond: Personal motto?
V: From « Faust ».
Evey Hammond: That’s about trying to cheat the devil, isn’t it?
V: It is. »
