Petit Pays.

Résumé.

Editions Grasset. Parution : août 2016. Prix : 18 €

En 1992, Gabriel, dix ans, vit au Burundi avec son père français, entrepreneur, sa mère rwandaise et sa petite sœur, Ana, dans un confortable quartier d’expatriés. Gabriel passe le plus clair de son temps avec ses copains, une joyeuse bande occupée à faire les quatre cents coups. Un quotidien paisible, une enfance douce qui vont se disloquer en même temps que ce « petit pays » d’Afrique brutalement malmené par l’Histoire. Gabriel  voit avec inquiétude ses parents se séparer, puis la guerre civile se profiler, suivie du drame rwandais. Le quartier est bouleversé. Par vagues successives, la violence l’envahit, l’imprègne, et tout bascule. Gabriel se croyait un enfant, il va se découvrir métis, Tutsi, Français…

Mon avis : Un petit pays qui coupe le souffle.

Ce livre et moi, on s’est longtemps regardé. Je redoutais d’affronter ce qui se cachait entre ses pages.

Il était là dans ma liseuse (merci mon p’tit Pingouin Vert) et il me disait : Tu vas me lire… Tôt ou tard… Car mon histoire t’appelle. 

Je le regardais et je pensais : Allons… Un livre avec une couverture  bleu comme un bout de ciel. Un titre si mignon, si enfantin . Ça ne peut pas être si terrible.

J’en suis sortie le souffle coupé.

Dans ce roman au parfum autobiographique, Gaël Faye raconte avec une gravité triste, une nostalgie douloureuse la douceur d’une enfance brisée. Les couleurs des bougainvilliers. La saveur des mangues chapardées dans les jardins. La beauté de sa mère. la rivière où se baigner. La quiétude, l’insouciance dans cette bulle d’enfance.

Et puis… Le bonheur s’estompe. Les saisons passent, imperturbables, à l’écart de la folie des hommes. Les manguiers continent de se couvrir de fruits. La rivière de couler. Les parfums restent les mêmes mais dans la douceur de l’air l’inquiétude s’insinue avec une odeur de sang. L’ombre monte. Peu à peu les choses changent. Le coup d’état. Le couvre-feu. Les tirs dans la nuit. Les premiers échos du génocide au Rwanda voisin. Une horreur soigneusement planifiée dont la haine se distillent à travers les frontières comme un poison, profitant d’un foutoir politique sans nom. D’un côté de la frontière les Hutus tuent les Tutsis, de l’autre, les Tutsis tuent des Hutus au nom de la vengeance, à la faveur d’un coup d’état. La guerre civile qui embrase le pays.

Il faut le regard innocent et impartial d’un adolescent à peine sorti de l’enfance pour faire ressortir toute l’absurdité sans fond de ce conflit et la folie des hommes. Au sens de cette tourmente, Gaby, notre jeune narrateur, se trouve mis, malgré lui, face à une question : né au Burundi d’un père français et d’une mère rwandaise Tutsi, qui est-il réellement dans cette guerre ? Est-il français ? Est-il burundais ? Est-il tutsi ? Une question qui ne devrait guère avoir d’importance pour un garçon de onze ans mais qui va prendre une place cruciale. Pourquoi sa mère rend-t-elle les français responsables des massacres ? Faut-il croire ses amis qui rejoignent un gang pour tuer des Hutus et se protéger ? Son regard d’enfant nous permet de ne pas nous laisser emporter par l’horreur et de prendre du recul pour mieux comprendre le terrible engrenage qui emporté le Burundi vers quinze ans de guerre civile et le Rwanda dans l’un des pires génocides que le XXème siècle ait connu.

Si Gaël Faye n’est pas le héros de son ouvrage, en revanche on ressent avec intensité la force des souvenirs dans lesquels il a puisé pour raconter cette histoire. Au fil des pages, il ressuscite pour nous ce paradis perdu. Il fait revivre ces couleurs et ces parfums d’enfance que la guerre lui a arraché, rendant son récit d’autant plus poignant. Il nous livre un roman mené avec une rare maîtrise, qui réussit à allier la violence d’une histoire troublée, entachée par la guerre à un cri d’amour pour un pays perdu, car il y a des racines qu’on ne peut oublier. Un récit poignant qui vous laisse le souffle coupé, la boule au ventre mais à lire absolument.

Musicien à l’origine, Gaël Faye a aussi mis son vécu en chanson dans une chanson éponyme.

Pour en savoir plus : Interview de Gaël Faye sur RFI

 

8 réponses à “Petit Pays.”

  1. Je vois beaucoup ce livre quand je vais à la fnac. J’hésite à chaque fois à l’acheter… Je pense que même si comme tu dis, c’est bien écrit et raconte par un enfant, il vaut mieux être dans de bonnes prédispositions pour le lire. En tout cas, cette chronique donne très envie. Ce livre est donc noté dans un coin de ma tête.
    Merci pour cette chronique 🙂

    Aimé par 1 personne

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

%d blogueurs aiment cette page :