She said

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Sorti en 2022, She said revient sur l’enquête menée par deux journalistes du New-York Times,  Jodi Kantor et Megan Twohey, sur les agissements d’Harvey Weinstein. Une bombe qui aboutira à l’inculpation de celui-ci et au déclenchement du mouvement MeToo.

Nous sommes en 2016, Trump vient d’être réélu, et ce en dépit des plaintes déposées contre lui pour violences sexuelles, relayées par le New-York Times.
Le journal décide alors d’élargir son sujet en investiguant sur le harcèlement sexuel dans les milieux professionnels et de questionner tout le système.
La représentante d’un groupe féministe, en lien avec l’actrice Rose McGowan, leur souffle alors de s’intéresser en particulier au monde du cinéma.

L’histoire de l’actrice va les inciter à creuser davantage. Au fil de leurs investigations, Jodi Kantor et Megan Twohey vont découvrir l’ampleur du fléau qui gangrène Hollywood.

Pourquoi avoir attendu pour en parler ?
Pourquoi porter plainte seulement maintenant ?

Voilà ce qu’entendent trop souvent victimes de viols, de harcèlement ou de violences sexuelles qui sont restées dans le silence.
Pires encore sont parfois les allégations et soupçons sous-jacentes qui en découlent : si elle ne porte plainte que maintenant c’est que c’est pour l’argent. Si ça c’était vraiment passé, elle aurait porté plainte tout de suite.

Si l’on fait écho à l’actualité, je pense que Judith Godrèche doit en avoir les oreilles qui sifflent de ce genre d’allégations, preuve que depuis 2016, les mentalités ont tout de même du mal à bouger.

Le silence met le doute. Réveille le soupçon. Pourtant c’est souvent lui qui cache le pire. l’affaire Weinstein en sera justement la preuve.

Stigmatiser le silence des victimes c’est oublier que ce type d’agression déclenche des traumatismes profonds, des refoulements.

C’est oublier aussi la culpabilisation que portent les victimes sur leur manque de réaction, leur sidération ou juste le fait de ne pas être crues.

C’est oublier enfin le silence auquel les victimes se trouvent parfois contraintes, réduites, prises au piège par le système dans lequel elles évoluent.
Parfois le silence n’est pas vraiment un choix. C’est une protection. Un mode de survie.

C’est ce dernier point que She said met particulièrement en lumière. Tout repose sur la parole de femmes qui n’ont pas le droit de parler. Sous le chantage, la pression, la menace de voir leur vie ruinée davantage, elles ont conclu un accord qui les a brisées davantage en garantissant l’immunité à leur agresseur.

Nos deux journalistes se heurtent ainsi à un mur opaque de silence, entre celles qui savent mais sont terrorisées, ceux qui savent mais ne veulent rien dire par intérêt et ceux qui préfèrent ne pas savoir.

Le film met en avant non seulement l’influence d’Harvey Weinstein à cette époque, mais aussi le jeu de pouvoir et d’argent qui s’est joué derrière tout cette affaire.
Les accords aux sommes parfois ahurissantes, les plaintes qui disparaissent, les poursuites ou les articles abandonnés, les menaces.
On réalise alors les enjeux de cette investigation. On a beau connaître les répercussions de la chute de Weinstein à ce moment, on prend la mesure de la bombe qui se construit au fur et à mesure de l’enquête.

Mais pour actionner cette bombe, pour lui donner son poids, il faudra un témoignage. Un femme qui accepte d’être une source identifiée. Une voix pour toutes les autres.

C’est cet aspect particulier qui vient souligner l’importance cruciale de la parole des victimes, mais aussi le poids qui pèse sur elle. Parler c’est se reconnaître victime. C’est l’avouer aux proches à qui on l’a parfois caché. C’est confronter son agresseur, faire face à un cauchemar qu’on voudrait oublier.

Dans ce type de milieu, c’est aussi faire face aux conséquences. Être isolée, blacklistée, dénigrée.

A la question  » pourquoi ne pas avoir parlé ou porté plainte plus tôt », She said répond qu’il faut un courage immense pour parler. Pour en parler.
Et que celles qui ont osé le faire pour toutes les autres sont des héroïnes.
Sans leur témoignage direct, sans leur parole, le monceau de preuves réunies contre Weinstein aurait eu moins de valeur et aurait pu être discrédité, attaqué, en dépit du travail journalistique accompli.

Mention spéciale ici à Ashley Judd qui a eu le cran de rejouer son propre témoignage dans le film.

Jodi Kantor et Megan Twohey avaient elles conscience en menant leur enquête pour cet article de ce qu’elles allaient réussir à changer ? De ce qu’elle allaient provoquer ?
Il faudrait sûrement lire leur livre éponyme dont est tiré le film pour répondre à cette question. Mais il fallait avoir une sacré assurance pour aller jusqu’au bout.

Après la publication de cet article dans le New York Times, 82 femmes ont porté plainte contre Weinstein et MeToo libéra le témoignage de nombreuses femmes sur des comportements similaires.

Pour certains, #MeToo a complexifié les rapports hommes/femmes. C’est probable. Ou tout simplement a-t-il révélé une problématique que personne ne voulait voir.
C’est un large débat de société qui est probablement nécessaire et qui touche le monde entier, mais qui dépasse ici le sujet du film.

She said traite de la parole des victimes face à l’impunité de l’agresseur. Sobre et efficace, la réalisation ne recherche pas les effets de style ou de dramaturgie. Très peu de flashbacks, des couleurs minérales, un peu crues, un décor moderne, tout insiste sur le brut et le fait. On reste focalisé sur ce mur de silence assourdissant qui entoure le travail de nos deux journalistes. Comme une immense vague qui voudrait étouffer le bruit qu’elles tentent de faire.

Pour certains, le film n’apporte rien de plus que d’autres abordant le même sujet ou ce qui a pu être publié.
Tiré du livre écrit par les deux journalistes elles-mêmes, il me semble que She said a l’avantage de nous amener au plus près de la vérité, de l’émergence des premières accusations jusqu’à ce moment étrange où Hollywood a basculé et fait changer le monde.

She said est à retrouver sur Netflix

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