On lit entre deux séries : Saga

Résumé.

benacquista-sagaEditions Gallimard/Folio. Parution : 1998

Prix poche  : 8 €

« Nous étions quatre: Louis avait usé sa vie à Cinecittà, Jérôme voulait conquérir Hollywood, Mathilde avait écrit en vain trente-deux romans d’amour, et moi, Marco, j’aurais fait n’importe quoi – mais n’importe quoi !- pour devenir scénariste. Même écrire un feuilleton que personne ne verrait jamais. « Saga » c’était le titre »  

Saga 4ème de couverture, Folio.

80 épisodes à mettre en boîte le plus vite possible pour remplir un quota de création française. Une seule condition: faire du n’importe quoi pourvu que ce soit le moins cher possible.

« Faites n’importe quoi ! Faites n’importe quoi ! Et si on vous prenait au mot, patron ? »

Et de ce postulat improbable, mais pourtant pas si absurde (Surtout si on se penche sur les créations françaises actuelles ! Non je digresserais pas ! Diabolus !), va découler une folle aventure télévisuelle et scénaristique.

A faire du n’importe quoi mais avec talent, ça finit toujours par susciter des résultats inattendus.

Saga.

« Hormis Dieu et les scénaristes, a demandé le Vieux, vous connaissez d’autres boulots  où on façonne les destins. »

Saga, ce n’est pas le roman du siècle. Non ce ne sera jamais un grand prix. Un Goncourt.

Mais c’est ma friandise à moi. Mon péché.

D’abord parce que c’est original, à la fois bien pensé et extravagant. Benacquista se sert d’une pointe de réalité en lavis (pourcentage de fiction française, références au métier de scénariste, phénomène de popularité délirante de certaines fictions)  pour peindre ses folles péripéties avec talent.

J’aime le style plein d’humour et décalé de ses personnages. A mille lieux des héros, ils ont l’extraordinaire des gens ordinaires dont la vie bascule.

Et un petit brin de loose qui attire tout en vrac, l’heureuse fortune et les ennuis.

Benacquista c’est aussi une façon d’écrire : vivante, pétillante, dynamique. Les réparties fusent, claquent.

Certaines phrases ont une petite saveur d’Audiard et Benacquista joue de la punchline avec jubilation.

-Et de toute façon, je ne sais faire que ça

– Quoi donc ?

– Débiter de la péripétie au kilomètre.

Et c’est avec Saga que je l’ai rencontré.
Un coup de foudre ? Sûrement.

Et depuis une douce complicité.

De Saga à Malavita en passant par la Commedia des Ratés ou Quelqu’un d’autre, j’ai exploré avec délectation une bonne part de l’univers de Tonino Benacquista.

Mais toujours, je reviens à Saga. 

Comme un cocon familier.

Parsemée de petits clins d’œil cinéphiles (Le Maestro qui renvoie à Mastroianni, CinecittàDeathfighter écho de Rambo et Terminator je pense, Stallone, Spielberg, Le Limier de Joseph Mankiewicz et son scénario d’Anthony Shaffer), des plus évidents aux plus connaisseurs, Saga nous invite dans les coulisses de l’écriture d’une série, au coeur des braimstormings un peu déjantés des scénaristes.

Et de leurs conséquences…

« Prendre du plaisir à imaginer un tombereau de fariboles, c’est trouver d’emblée une dynamique de travail à long terme. »

De l’histoire de Marco, Mathilde, Jérôme et du Vieux aux aventures des personnages de la Saga, Marie, Mildred, Walter, Jonas, Bruno & cie, se tisse tout un réseau de références (la vodka rouge au poivre, les cigarillos de Mathilde, le Quart d’Heure de Sincérité).

Comme autant de connivences avec le lecteur.

« Pendant quelques instants, je me mets à rêver d’une langue sans voiles et sans fard. Une langue interdite aux courtisans et aux patelins.
– Au lieu de noyer le poisson dans un flot de palabre, dis-je, il suffirait de quatre phrases très précises et très sincères pour dire exactement ce qu’on pense.
– Ce serait la fin du monde.
Mathilde a sans doute raison, mais une chose est sûre: la sincérité est bien plus amusante que la fourberie.
– Juste quatre phrases…
– Quatre phrases nues. »

Une véritable univers dans lequel on se laisse si volontiers entraîner, qu’il déborderait presque du roman. A tel point, qu’une fois le livre terminé, on a l’impression d’avoir tout à la fois vécue, visionnée et lue, cette Saga.

Joli coup de maître de Benacquista qui parvient à nous duper, créant même des répliques cultes pour une série qui n’existe que dans un roman.

« … J’oubliais qu’on est en France, même les putes ont des lettres. »

Pedro « White » Menendez, Saga

Et d’un fil de l’histoire à l’autre, on se délecte jusqu’à un dénouement aussi improbable qu’inattendu.

Mais tellement bien trouvé.

Après tout, dans la vie tout n’est qu’une question de scénario…

– Quand je pense à cet hôtel, j’ai l’impression de mourir au-dessus de mes moyens…
– Tu charries, Louis. Celle-là, elle n’est pas de toi mais de Wilson Mizner, un scénariste hollywoodien.
Silence.
Sa main s’ouvre lentement et perd de sa force.
– Faux. Elle est d’Oscar Wilde. je suis bien obligé de piquer une dernière réplique. Je n’ai rien trouvé de bien…

10 réponses à “On lit entre deux séries : Saga”

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