La trilogie de Corfou : tribulations familiales et naturalistes en Grèce

Editions de la Table Ronde. Prix : 24 € Parution : 11/05/2023

Initialement parue en trois volumes indépendants (Ma familles et autres animaux, Oiseaux, bêtes et grandes personnes, Le Jardin des dieux), la trilogie de Corfou de Gerald Durrell se trouve aujourd’hui réunie dans cette intégrale compacte (enfin presque) et à petit prix par les Editions de la Table Ronde.

Une excellente initiative ! Elle est ainsi fort pratique à empaqueter dans votre sac de plage pour les beaux jours qui s’annoncent.

Quoi de mieux en effet que de savourer ces tribulations anglaises en terre grecque avec le doux clapotis de l’eau dans les oreilles et le soleil qui vous réchauffe la peau ?
De s’imaginer dans une petite crique de Corfou, lorsqu’on est posé sur un transat dans son jardin.

Je vous l’affirme catégoriquement : la trilogie de Corfou est le livre idéal pour vos vacances.

Ce joli pavé bleu va vous transporter, vous dépayser, vous faire découvrir des merveilles et vous faire rire.

Quelle joyeuse folie que ce livre là !

Dès les premières lignes du prologue, le ton malicieux est donné. J’ai éclaté de rire et je suis tout bonnement tombée dans cette trilogie comme on tombe à l’eau.

 » [parlant de leur mère ] Comme mon frère Larry me l’a fait à juste titre observer, nous pouvons être fiers de la façon dont nous l’avons élevée : elle nous fait honneur. Elle a atteint cet heureux nirvana où plus rien n’effraie, ni ne scandalise.
Au cours d’un récent week-end, alors qu’elle était seule à la maison, elle eut le plaisir de voir arriver soudain un lot de caisses à clairevoie contenant deux pélicans, un ibis écarlate, un vautour et huit singes. Tout autre mortel se serait évanoui. Elle non. Le lundi matin, je la trouvai dans le garage, harcelée par un pélican furibard qui tournait autour d’elle tandis qu’elle essayait de lui faire manger des sardines à l’huile.
– Je suis contente de te voir, mon chéri, dit-elle, haletante. Ce pélican n’est pas très commode.

Quand je lui demandai comment elle savait que ces animaux m’appartenaient, elle me répondit :

– Qui d’autre que toi, mon chéri, eût songé à m’envoyer des pélicans ? « 

Effectivement, qui d’autre ?

Mais reprenons les choses par le commencement, voulez-vous ?

Imaginez : nous sommes peu de temps avant la Seconde Guerre Mondiale et la tribu Durrell décide sur un coup de tête de fuir le climat anglais pour s’installer sous le soleil de Corfou.

Une décision qui ne manque pas en soi d’originalité et qui se trouve pimentée par les personnalités très marquées des membres de la famille.

Ceci sans compter la formidable galerie de personnages, souvent fantasques, que celle-ci à tendance à drainer dans son sillage. Le fabuleux Spiro n’étant pas le moindre d’entre eux, mais que dire aussi de l’homme aux scarabées, de Théodore l’érudit, de l’amoureux des oiseaux et imaginatif Kralefsky, du libidineux Capitaine Creech, de l’adorable mais intransigeante Mama Kondos, ou de…

… Tututut ! J’en ai déjà trop dit !

Permettez donc que vous présente simplement nos estimés personnages principaux pour vous planter le décor.

Larry (Lawrence) : l’aîné, mondain éclectique qui invite toute personnalité excentrique croisée en route à séjourner chez eux et qui manque jamais de donner son avis sur tout (notamment sur ce qu’il ne maîtrise pas) et des conseils à tord et à travers.

Leslie : passionné de chasse et d’armes à feu en tous genres. Fusils, canons, pistolets , il est toujours prêt à partager sa science et rendre service, du moment que cela tire. Parfois sans distinction. Ce qui ne manque pas d’entraîner quelques incidents malheureux, comme une inopportune pluie de tourterelles sur la terrasse, à l’heure du thé. Charming !

Margo : jeune femme en pleine crise « romantique » (dixit sa mère), particulièrement sensible au charme des jeunes marins de Corfou. Adepte de spiritisme, de tenues légères, de bronzage et quelque peu encombrée par ses rondeurs et son acné peu réceptive au climat grec. Margo ne manque néanmoins pas de coeur et de sensibilité

Mère : ayant vécu aux Indes où elle a longuement voyagé avec feu son mari, mère garde tant bien que mal son sang froid face aux situations les plus inattendues dans lesquelles la plonge son excentrique tribu.
Connaissant bien ses enfants, elle ne s’étonne (presque) plus de rien et fait preuve d’une admirable patience. C’est d’ailleurs à elle que cette trilogie rend un tendre hommage
Passionnée de cuisine, c’est une hôtesse qui ne manque pas de régaler ses innombrables invités et qui trouve toujours un scone pour faire face aux mésaventures.

Gerry (Gerald) : le plus jeune de la famille, notre narrateur et auteur. Il pousse comme un herbe folle dans une éducation très libre. C’est un amoureux transit de naturalisme. Sa passion pour la faune aquatique et terrestre de Corfou n’est pas sans sensiblement compliquer la vie familiale avec l’élevage de bestioles diverses et variées, plus ou moins attractives, de douze chiens, une ânesse caractérielle, trois hiboux, un pélican acariâtre et j’en passe…

La trilogie de Corfou : tribulations familiales et naturalistes

C’est à travers les yeux d’enfant enthousiaste de Gerald que nous allons vivre les originales tribulations familiales, et surtout découvrir Corfou, jusque dans les moindres recoins.

Brillant conteur, Gerald Durrell fait jaillir d’entre les pages une atmosphère si vivante, si palpable, qu’elle vous enveloppe.

A nous les parfums de Corfou, ses petits sentiers, ses vents battants d’hiver, son soleil éclatant.
A nous sa mer bleue, soyeuse comme une caresse, ses petites criques, ses trésors cachés.
A nous la saveur de l’ail, du pain, des figues, du raisin, l’or de l’huile d’olives qui coule du pressoir.

Chaque coquillage, chaque découverte, chaque insecte, il nous la croque avec une poésie dont ne souffre pas le luxe de détails dont il l’entoure.
De la faune sous marine ou terrestre de Corfou, vous saurez tout sur le bout des doigts.

De ses lignes jaillit un émerveillement qui ne faiblit pas. Les couleurs et les parfums éclatent. L’air chaud fait vibrer les pages, et soudain s’en échappe qui un papillon, qui un oiseau, qui une mante religieuse à l’affût, qui une araignée en pleine parade amoureuse.

On pourrait penser assommant ou rédhibitoire ces descriptions de zoologie. Mais au contraire ! Elles se révèlent fascinantes, car elles font vivre le livre. D’autant que, maître en vulgarisation, Gerald Durrell croque avec autant de truculence les insectes ou les animaux que les grandes personnes !

La vocation de naturaliste de Gerald Durrell se mêle à son amour de Corfou pour faire revivre les souvenirs familiaux avec la fraîcheur de la fleur tout juste éclose.
Il nous raconte les aventures familiales avec truculence, malice et même parfois une touche de candeur enfantine qui ne fait qu’en renforcer l’aspect comique.

Et des aventures insolites il y en aura dans cette famille, où l’on décide de quitter l’Angleterre pour un rhume de trop. Ou de déménager du jour au lendemain car la maison familiale est soudainement trop petite pour les (nombreuses !) invitations lancées par Larry pour la semaine suivante.

Les expériences et découvertes du jeune Gerry aussi n’iront pas sans « quelques » mésaventures qui mettront de l’ambiance au sein de la maisonnée.

Il semblerait qu’autopsier une tortue marine décédée sur la terrasse ne soit pas une initiative très appréciée, au même titre que la domestication de pélican agressif, l’élevage de scorpions ou celui de serpents d’eau dans la baignoire.

Les adultes n’ont décidément aucun respect pour la science.

Des yeux de l’enfant à la plume de l’auteur, la magie reste intacte.
Dans ce récit empli de poésie, d’humour et de tendresse vibre un grand cri d’amour tout à la fois pour sa famille et pour la richesse de la terre qui a bercé son enfance.

Une trilogie qui se termine dans une joyeuse apothéose, qui nous laisse aussi heureux que tristes de devoir alors faire nos adieux à cette insolite famille.

Gerald Durrell est mort en 1995, non sans avoir milité ardemment pour la préservation de la diversité de la vie sauvage et la sauvegarde d’espèces menacées.
Il est magnifique de voir à quel point les années à Corfou qu’il nous raconte ont forgé pour le jeune garçon la vocation d’une vie. Cela ne rend ses écrits que d’autant plus précieux.

Son engagement continue à vivre à travers ses livres et le Durrell Wildlife Conservation Trust qu’il a créé en 1963. Je vous invite d’ailleurs à découvrir son oeuvre.

© Durrell Wildlife Conservation Trust

En refermant cette Trilogie de Corfou, j’ai pensé avec regret que Gerald Durrell faisait partie de ces personnalités que j’aurais aimé rencontrer.
Au delà de la spontanéité, de la passion, de l’humour qui émanent de ces écrits, il y aussi une volonté de transmettre, de partager, d’inciter à regarder attentivement la beauté du monde autour de nous.

Découvrir Corfou à travers ses souvenirs était un fabuleux voyage …

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