Fiche technique
Sortie : juin 2018
Réal : Mike Newell
Scénariste : Don Roos, Thomas Bezucha, Kevin Hood
Casting : Lily James, Matthew Goode, Penelope Wilton, Jessica Brown Findlay, Katherine Parkinson, Glen Powell
Synopsis
En janvier 1946, alors que les décombres de la guerre sont encore fumants, la vie reprend peu à peu son cours. Et Juliet Ashton, jeune autrice à succès, sous le pseudonyme d‘Izzy Bickerstaff, doit entreprendre de faire la promotion de son ouvrage et de trouver des nouveaux sujets d’écriture.
Mais marquée par la guerre, la jeune femme manque d’enthousiasme et d’inspiration. C’est alors qu’au hasard d’un livre voyageur et d’une correspondance, elle va faire la connaissance du Cercle Littéraire des Amateurs de Tourtes aux Épluchures de Patates de Guernesey. Sous cet intitulé insolite, elle va découvrir un groupe aux personnalités hétéroclites et attachantes, mais surtout la réalité dramatique de la vie du seul territoire britannique occupé par l’armée allemande durant la guerre.
Une rencontre qui va faire prendre à sa vie un tournant radical…
Mon avis : Welcome to Guernsey
Pour ceux qui l’ignorent encore, ce film est l’adaptation du livre éponyme de Mary-Ann Shaffer et Annie Barrows. Un roman que je chéris profondément car il nous raconte comment les livres peuvent rapprocher les gens. Comment les livres peuvent nous sauver parfois. Même dans les heures les plus sombres.
C’est un roman doux et amer, qui fait rire et pleurer tout ensemble. Qui parle de courage et de tolérance. De connections entre les gens. D’humanité en somme. Et si vous ne l’avez pas déjà lu, faites-le. Conseil de dragon.
Retrouvez ma chronique du roman ici.
A présent, parlons de l’adaptation. Avant que nous ne levions l’ancre vers Guernesey, soyez conscients d’une chose : j’ai lu et relu ce roman des douzaines de fois. Aussi je serais forcément exigeante et pointilleuse. Sachez cependant que je suis soulagée, car cette adaptation est profondément respectueuse et je ne doute pas qu’elle incitera certains à lire le livre.
Adapter un roman en grande partie épistolaire c’est un épineux défi. Le style épistolaire donne une temporalité et un ton particulier à l’histoire qui permet aux personnages, comme au spectateur, de se découvrir sans se connaître encore. Au fil des mots, chacun avec son style, les caractères, les personnalités se dévoilent. Ainsi on découvre les différents parcours avant qu’enfin Juliet n’arrive à Guernesey et que le récit ne trouve sa voie centrale avec l’histoire d’Elisabeth qui lie tous les personnages.
Si les scénaristes ont essayé de préserver ce schéma narratif autant que possible, seule la correspondance avec Dawsey a été préservée. Probablement par souci de timing. C’est dommage, car on perd cette spécificité qui faisait une partie du charme du roman et dans le film, l’arrivée de Juliet sur l’île se fait de façon trop rapide et un peu abrupte à mon goût.
De la même façon, les lettres et télégrammes reflétaient beaucoup de choses de la personnalité affirmée et pétillante de Juliet. Piquants et plein d’esprit et d’humour, ils nous permettaient nous attacher au personnage. Le film se trouve amputé de cet aspect et Juliet nous paraît une jeune femme un peu plus grave et triste que dans le roman.
D’ailleurs de façon générale, le film présente les choses de façon plus dramatiques. Sans pour autant verser dans un pathos excessif, je vous l’accorde, mais en omettant cette part d’humour qui permettait dans le livre de créer le contraste et de tout nuancer. On sourit, mais on ne rit pas.
Dernier reproche : la vie sentimentale de Juliet, bien que toujours annexe, prend trop de place à mon goût dans le film. La fin a un côté « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants » alors que paradoxalement les enjeux de sa relation/rupture avec Mark ne sont pas clairement établis.
Certes, c’est un élément essentiel du roman qui va énormément jouer et il était important qu’il intervienne dans le film. Mais les choses sont bien plus équilibrées dans le roman. Cependant, je rassure tout le monde : on évite la guimauve. On passe au-dessus et c’est bien moins pire que ce que la bande-annonce ne pourrait laisser présager.
De façon générale, l’adaptation est très réussie et d’une grande fidélité à l’oeuvre originale. Les différents caractères des personnages sont bien restitués, en dépit de légères entorses narratives pour faciliter l’adaptation. Et je n’aurais eu aucun mal à deviner qui était qui, avant même qu’ils ne se présentent.
Il faut dire qu’il y a pour supporter le film un casting de choix. Mention spéciale pour Jessica Brown Findlay choisie pour incarner Elisabeth McKenna, Bronagh Gallagher délicieusement insupportable en Charlotte (dommage qu’elle ne soit pas plus exploitée) et Michiel Huisman qui fait un parfait Dawsey, bien qu’un peu moins taiseux que dans l’oeuvre.
Quant à Lily James, un poil trop lisse, je pense qu’elle a en avait encore sous le pied pour incarner la complexité du personnage de Juliet. Dommage que ça ne sorte pas davantage, car le rôle lui va à merveille. En passant, je n’ai trouvé aucune fausse note dans le choix de casting.
Ce qui sublime réellement le film, c’est son côté authentique. Un travail fantastique a été réalisé tant au niveau des costumes que des décors. Chaque recoin où l’oeil s’égare donne une impression de véracité. Les pulls de Dawsey sont grossièrement tricotés et troués. Les vêtements d’Amélia sont délavés, usés, portant des traces qui n’ont pu être effacées. Leur mise contraste avec celle de Juliet qui arrive de Londres et cela restitue bien les conditions difficiles d’après-guerre. Les intérieurs sont rustiques, les éviers jaunis, les paquets patinés. Ça respire l’existence, le labeur quotidien et la misère de la guerre aussi.
Et puis, il y a ces paysages fantastiques. Des plans qui vous font vibrer le coeur. Ne pouvant tourner à Guernesey pour des raisons pratiques et logistiques, l’équipe a tout de même réalisé quelques prises de vues et photos intégrées au film. Aussi il s’en dégage cette atmosphère si singulière, si spécifique, qui séduit Juliet dans le roman, et qui nous enveloppe, nous, spectateurs. J’ai eu beau savoir que cela n’a pas été tourné intégralement à Guernesey, j’ai été comme transportée.
En réalité le film ne souffre de rien d’autre que d’être un film. Le roman particulièrement riche aurait nécessité davantage de temps pour développer chaque fil et en restituer toutes les subtilités. Mais impossible de faire un film de 4h sans perdre le public et rappelons-le, celui-ci en fait déjà 2. Alors forcément, on coupe certaines petites histoires, on prend quelques raccourcis, on perd un peu de saveur… Aussi le roman restera selon moi, toujours meilleur que le film.
Mais…
Mais ne boudons pas notre plaisir : cette adaptation est une bonne adaptation. Bien loin de certains gâchis, c’est un film agréable qui ne dénature rien, sans aucun contresens, dans lequel on se laisse volontiers emporter. Il s’en dégage un je-ne-sais-quoi d’intangible qui rappelle indéniablement le roman. Tout en pudeur, en retenue, l’émotion est au rendez-vous. Et je l’avoue : j’ai beau connaître l’histoire, je me suis retrouvée à dégouliner un peu dans le noir.
Même si ce n’était pas l’adaptation parfaite, j’ai eu la sensation de rencontrer ces personnages, tels que je les avais imaginé. Quand la lumière est revenue, j’ai eu du mal à quitter la salle, comme si l’île m’imprégnait encore. Difficile de quitter Le Cercle Littéraire des Amateurs d’Épluchures de Patates de Guernesey.
2 réponses à “The Guernsey Literary and Potato Peel Pie Society : la chronique ciné”
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[…] Parfum Adaptation littéraire avec supplément caramel beurre salé aux embruns de Guernesey : The Guernsey Literary and Potato Peel Pie Society […]
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