Résumé
Editions Phébus. Parution : Février 2019. Prix : 19€
Washington, DC, dans les années 1970, Osei, fils de diplomate ghanéen, arrive dans une nouvelle école pour la sixième fois de son existence. Du premier coup, il est pris sous l’aile de Dee, une pétillante fille blonde, sage, bonne élève et populaire.
Cette amitié nouvelle fait tomber sa garde et s’évanouir ses craintes quant à sa position de nouveau et de Noir dans cette école.
Mais contrairement à Dee, tout le monde ne perçoit pas l’intérêt et la sympathie que peuvent susciter Osei.
De jalousie en manigances, c’est tout un drame teinté de racisme qui se met bientôt en marche.
Le nouveau : le poison du racisme
Tracy Chevalier, on ne le dira jamais assez, a un don pour se glisser dans les époques et imprégner ses romans de leur essence.
Dans Le Nouveau, elle se lance dans un exercice de style aussi périlleux que fascinant : moderniser Othello ou le Maure de Venise, de William Shakespeare, en le réécrivant dans le contexte des années 70 aux Etats Unis.
Unité de temps : une journée
Unité de lieu : une école
Unité d’action : un seul drame se joue, le destin d’Osei et Dee.
Othello empreinte les traits d’Osei, Desdémone ceux de Dee, Iago ceux de Iago et Cassio, ceux de Casper et voilà la tragédie prête à se jouer.
Dans une cour d’école emplie d’enfants aux pensées soigneusement perverties par celles de leur entourage, le décor est dressé. La scène n’attend plus que le premier acte.
Le résultat est sombre, oppressant. Sans même connaître la pièce, le lecteur pressentavec angoisse ce qui va se jouer. Ce drame dont déjà les rouages se mettent en branle en coulisses.
Le racisme n’est pas flagrant. Non, au début, ce ne sont que des mots d’enfants. Mais le poison se distille insidieusement dans les jeunes esprits. Les jalousies éclatent. Les manœuvres sournoises se préparent.
En cinq coups, telle une partie d’échec, fidèle aux règles de la tragédie, le destin frappe. Implacable.
Cet Othello-là a quelque chose de glaçant, car on n’imagine pas pareil drame dans une cour d’école. On ne veut pas penser que des enfants pourraient aller jusque-là. Et pourtant, il réveille des échos dans nos esprits, de faits, de mots, de gestes. Une impression de déjà vu, déjà entendu… à l’école ou dans les médias. Ici ou ailleurs.
Ce n’est pas le meilleur roman de Tracy Chevalier, car l’exercice de style prend quelque peu le pas sur la fluidité de la plume. Pourtant, les pages se tournent toutes seules et à chaque ligne, l’angoisse grandit. Encore et toujours, on se dit : ce ne sont que des enfants…
Que le style diffère de celui habituel de l’auteure et déstabilise, c’est un fait. Mais on ne peut nier qu’il s’agisse d’un remarquable tour force littéraire, merveilleusement exécuté.