Peinture fraîche : cloudy paint

Peinture Fraîche : résumé éditeur

« Ces yeux lourds, cette frange irrégulière. Bloquée derrière son bar… Serait-elle à un tournant de sa vie qu’elle est incapable de négocier ? »
Quelque chose dans le portrait de Suzon, peinte par Manet en 1882, fascine Eve, serveuse dans un restaurant de Londres, qui vient la retrouver chaque mercredi à la galerie Courtauld. Le jour où elle rend son tablier après s’être fait caresser la cuisse par un client, c’est à nouveau vers Suzon qu’elle se tourne, retardant le moment de rentrer dans l’appart un peu crade qu’elle partage avec un couple. Le moment de penser à son père et à sa canette de bière, à sa mère qui les a abandonnés. De refouler à coups de gin-tonic les souvenirs de Grace, son amie perdue… Alors qu’elle sort du musée, une annonce attire son attention : recherche modèle vivant pour cours de dessin. Eve a un loyer à payer et se lance. Les choses semblent s’améliorer – pourtant Eve continue de sombrer.

Pour ce premier roman paru pour la rentrée littéraire aux Editions de la Table Ronde, Chloé Ashby nous dévoile un style singulier, à la fois cru mais tout en nuances et en délicatesse.

Son héroïne, Eve, est véritablement comme un tableau que l’on vient de terminer : vibrante et fragile à la fois. Ses couleurs brillent de l’humidité de la peinture fraîche, ses contrastes sont saisissants, mais un coup de pinceau de trop, un geste maladroit et le tableau serait ruiné.

Tous les mercredis, sans faute, Eve se rend à la galerie Courtauld, prend un billet à 7£. Elle traverse les couloirs sans s’attarder pour aller se figer devant le même tableau : la Suzon des Folies Bergères, peinte par Edouard Manet en 1882. Elle reste là, à s’interroger sur l’existence de Suzon jusqu’au moment de regagner sa propre vie.

Jusqu’au jour où un client au restaurant a le geste de trop. Eve claque sa démission et sa vie part un peu plus à la dérive.

Peinture fraîche : cloudy paint

Tout commence dans le cabinet d’une psychologue où Eve remonte le cours des évènements pour comprendre comment elle a failli commettre l’irréparable.

Que s’est-il passé ? Qui est Eve ?

En s’adressant au lecteur directement, comme s’il était la psychologue, Eve va nous permettre de suivre le fil de ses pensées et de la découvrir de façon brute.

Commence alors un subtil jeu de piste où l’on cherche à replacer les pièces du puzzle pour répondre à UNE question centrale : comment Eve s’est-elle retrouvée dans cette spirale glauque et autodestructrice ?

Brisant le quatrième mur dans ce dialogue direct, Chloé Ashby nous immerge dans les pensées de son héroïne, esquissant un portrait pas toujours flatteur. La jeune femme semble ne pas savoir où elle va, ne pas savoir résister à emprunter ou voler les affaires des autres, comme pour emprunter leurs existences.

Renfermée sur son vécu traumatique, Eve tourne en boucle sur l’absence de Grace. Mais qu’est-il arrivé à Grace ? Pourquoi Eve semble-t-elle se le reprocher ?

La fragilité de la jeune femme paraît aussi attirer nombre d’individus troubles, à commencer par cette étrange colocation avec Karina et Rick, un peu malsaine. Ou l’attitude de Paul…

Mais il y a aussi Annie qui est prête à lui faire confiance. Et Max, le fidèle Max qui ne désespère pas d’elle. Max qui sait tout mais reste son seul soutien, son roc.

Des personnages qui nous amènent à voir la lumière enfouie chez Eve, comme une photo qui se développe et révèle ses couleurs au fil du récit.

Certains voient dans Peinture Fraîche un style à la Fleabag. C’est indéniable. Il y a du Fleabag dans cette façon très direct de briser le quatrième mur dès le départ et de faire partager le fond des pensées de l’héroïne.
Il y a aussi une similitude dans l’attitude autodestructrice des personnages, cette tendance à faire comme exprès les mauvais choix, prendre les mauvaises décisions, paraître irréfléchie.

Mais la comparaison s’arrête là, car il y a une profondeur différente autant dans le personnage que dans le style de Chloé Ashby. C’est un récit vraiment singulier qui parfois confine au malaise, sans qu’on puisse le lâcher pour autant.

A l’inverse de Fleabag, Eve n’a ni cynisme, ni humour noir. Et si elle n’est pas dénuée d’humour, c’est avant tout une jeune femme qui voudrait comprendre elle-même pourquoi elle se noie.
Pourquoi son père l’abandonne, pourquoi sa mère l’a abandonnée. Pourquoi elle n’a rien vu pour Grace.
Grace qui reste comme une plaie ouverte, continuant de saigner inexorablement.

Peinture Fraîche est un roman acéré, à vif et pourtant tout en douceur, même dans l’inacceptable. A l’instar de son héroïne, il en émane une lumière, une note positive, quelque chose comme de l’espoir.

Mais il vous faudra aller au bout du chemin avec Eve pour le voir…

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