JUNE & CIE

Tout commence par un vol de cadavre…

Et quand je vous dis cela, je vous donne le ton du roman. La libraire qui me l’a conseillé m’a dit texto : « Vous verrez, ce n’est drôle à proprement parler, mais c’est complètement inattendu. Elle (Tookie) finit en prison pour une chose complètement farfelue mais qu’elle fait de bon coeur.

Effectivement. Je confirme : avec la Sentence, vous irez de surprise en surprise.

Donc reprenons par le commencement, si vous le voulez bien.
Pour faire plaisir à son crush Danae et sous le coup d’un spleen indéniable, Tookie, amérindienne d’une trentaine d’année, vole le corps du petit copain de celle-ci chez son ex compagne Mara, où il vient de rendre l’âme.

Relisez bien cette phrase pour être sûr d’avoir tout compris.

Utilisant la camionnette de livraison de son travail, Tookie se fait donc passer pour une employée des pompes funèbres auprès de Mara.
Mara qui n’a visiblement pas non plus bien les yeux en face des trous, mais passons. Ceci est une autre histoire.

Un geste pour le moins inattendu qui pourrait paraître d’un romantisme absolu. A deux, trois détails près et apparemment pas devant un juge farouchement attaché au caractère sacré du corps des défunts.

La Sentence tombe : Tookie est condamnée à soixante ans de prison. Ce qui s’appelle un échec critique.

Libérée quelques dix ans plus tard en conditionnelle, Tookie coule désormais des jours heureux auprès de Pollux et dans la librairie de Minneapolis où elle travaille.

Tout n’est pas parfait, mais si on excepte le caractère imbuvable de sa belle-fille Hetta (qui n’est pas vraiment sa belle-fille, elle a trouvé son équilibre entre les livres et les traditions de sa culture.

.Enfin jusqu’au jour où Flora, une cliente particulièrement encombrante et tatillonne, décide de venir la hanter, après avoir passé l’arme à gauche.

Comme si cela ne suffisait pas, arrivent sur ces entrefaites le COVID et les émeutes de l’affaire Georges Floyd.

Décidément avec les vivants comme les morts, Tookie n’aura jamais la paix.

La Sentence : drôle & insolite

Paru en septembre aux Editions Albin Michel, la Sentence s’avère un excellent roman d’automne au final qui mêle insolite, soupe au maïs grillé, traditions amérindiennes, cookies, mystère et frissons.

Oui parce que la Flora a beau hanter une librairie, elle est du genre revancharde et pugnace. Sauge brûlée, injonction à dégager, rien n’y fait.
Mais pourquoi cette femme, morte en tenant un livre, tient elle absolument à poursuivre Tookie ?

Pourquoi Tookie semble-t-elle persuadée que c’est le livre qu’elle lisait qui l’a tuée ? Et pourquoi Kateri, la fille adoptive de Flora, a-t-elle donné ce livre à Tookie ?

Il semble flotter comme un léger parfum de Stephen King ou de Ghostbusters dans cette affaire mais c’est encore bien plus amusant.
Car au centre de tout cela il y a Tookie.
Tookie et son fichu caractère, qui, malgré son côté bourru et sa solide stature, peine à cacher qu’elle a les chocottes.

Je n’avais jamais lu d’ouvrage de Louise Erdrich, pourtant reconnue comme une des plus grandes écrivaines américaines contemporaines, et j’ai A-DO-RE sa façon d’écrire !

Avec un style savoureux, elle compose son intrigue et joue des différents éléments, de l’histoire de Tookie à celle de Flora, en passant par le contexte socio-politique et sanitaire de ces dernières années et l’histoire des différentes tribus amérindiennes.

C’est à la fois prenant, haletant, surprenant et diablement amusant parce que, bon sang, ses personnages sont plus vrais que natures. A peine les première pages entamées qu’on se demande en riant dans quelle histoire de fous on est tombés.

Pensez donc : un cadavre, farci à la came, dans une camionnette de fruits et légumes. Qui dit mieux ?

On court de surprise en inattendu et bien malin serait celui qui aurait deviné le fin mot de cette histoire !

Dans un monde à l’arrêt pour cause de pandémie, rien ne pourra pourtant empêcher d’avancer Tookie. Même pas les fantômes. Même pas elle-même.

A déguster avec des cookies ou une soupe au maïs grillé…