Jane Austen : un coeur rebelle

Résumé

Editions l’Archipel/ Editions Ecriture. Parution : septembre 2018 Prix : 24€

Résumé éditeur /4ème de couverture.

« Dans le monde anglophone, sa notoriété est aujourd’hui équivalente à celle de Shakespeare. Quantité de livres et d’articles scrutent les moindres détails d’une existence que sa famille considérait pour- tant comme dépourvue d’événements. En romancière, mais au moyen d’une enquête quasi policière, Catherine Rihoit débusque et retisse les moindres détails d’une existence pleine de zones d’ombre.

Dès ses écrits de jeunesse, Jane Austen (1775-1817) prend le contrepied de l’émotion larmoyante où baigne la production de son époque. Elle sera dès lors à l’image de ses héroïnes : indépendante, préférant, aux conventions de la bonne société, les plaisirs individuels ; aux élans déraisonnés, les jugements pesés.

Une valeur guide toute sa vie, littéraire comme amoureuse : la vérité du cœur. Celle que l’on interdisait aux femmes de son temps. La fausseté était alors, pour une femme, la composante essentielle de la réussite sociale. « Nous n’existons que par le sentiment », écrit-elle dans Persuasion. C’est peut-être là que réside sa réussite : en avance sur son temps, elle coïncide avec les aspirations féminines actuelles.

Rebelle, l’auteur d’Orgueil et Préjugés ? Telle est la question posée dans cette biographie où l’œuvre et la vie de « Jane A » se répondent sans cesse. »

Mon avis : Becoming Jane

Que savons-vraiment de Jane Austen ? En dehors de rares lettres ou portraits, la femme semble avoir disparue, s’être dissoute derrière son oeuvre.  Ne nous laissant que l’auteure. A sa mort, sa soeur Cassandra nous l’a définitivement spoliée en faisant disparaître tout ou presque de ce qui pouvait nous révéler le détail de sa vie. Sa famille nous en trace un portrait mais la véritable Jane reste insaisissable, fantôme derrière ses héroïnes.

Dans cette biographie, Catherine Rihoit tente de rassembler les pièces du puzzle pour faire apparaître le véritable visage de la romancière. Rassemblant, recollant, analysant, elle se lance sur ses traces, de sa naissance au coeur de l’hiver jusqu’à son décès prématuré à 41 ans. Remonter le temps pour découvrir comment on devient Jane Austen : voilà tout l’enjeu de cette biographie.

Le manque de matière biographique tangible est un fait avéré dans le cas de Jane Austen. Pour y pallier, Catherine Rihoit use d’une ruse tout simplement brillante. Quel est le meilleur miroir d’un auteur, sinon son oeuvre ? Alors dans sa biographie, elle établit une forme de dialogue perpétuel entre les éléments biographiques et une analyse poussée de  son oeuvre. L’une contribuant à donner certaines clés sur l’autre et vice-versa. L’analyse littéraire comblant les manques que laisse l’histoire.
Naturellement cet agencement spécifique demande au lecteur potentiel une bonne connaissance globale de l’oeuvre de la romancière. Pourtant le jeu en vaut la chandelle, car cela a l’avantage non négligeable d’éclairer la romancière sous un jour nouveau. Suivant le cours de sa vie, non seulement on perçoit l’impact des événements sur son écriture, mais se dessine également en filigrane un portrait intime de la romancière. Partant des faits existants, Catherine Rihoit nous démontre à quel point les héroïnes de Jane Austen se complètent pour donner un portrait complexe et changeant au fil du temps de leur créatrice. De Pride&Prejudice à Mansfield Park, l’analyse chronologique de la fiction agit comme un révélateur photographique. On voit la fraîcheur des premiers amours et des espoirs déçus faire muer peu à peu le regard. La maturité s’installe, la perception change et l’écriture évolue.

En parlant de plume, celle de Catherine Rihoit réussit un joli tour de force : celui de nous faire remonter le temps. Sa plume sensible et légère, à la passion perceptible, nous transporte. D’un coup nous voilà admis en visiteur invisible dans le cercle privé de la famille Austen. La verdure du Hampshire, la maison familiale de Steventon, les livres, le bureau de Père, les cavalcades de ses élèves, les regrets de Mère, des garçons, partout des garçons. Et au milieu Cassandra et Jane. Jane et Cassandra.

On découvre alors une autre Jane derrière la femme de lettres à l’ironie mordante et à l’esprit très en avance sur son temps. Une petite fille un peu noyée au sein de cette grande fratrie, accolée à sa soeur Cassandra comme à un double, oubliée de sa mère mais nourrie de livres par son père. Une jeune femme à l’intelligence qui embarrasse, qui a du mal à être la jolie fleur cherchant son vase qu’on attend d’elle.Qui a du mal à trouver sa place dans la famille tout simplement. Jusqu’au jour où elle décidera d’exister par sa plume.

Il en faudra des déconvenues, des déceptions, des blessures pour qu’un jour Jane décide d’être Jane Austen, et d’exister non pas par un mariage, mais par ses livres. C’est un long cheminement auquel nous initie Catherine Rihoit. Donnant la parole aussi bien à Jane qu’à son entourage, faisant parler l’oeuvre, elle fait ressortir le caractère singulier de la romancière et sa force fragile.

Quel étrange voyage de découvrir ainsi Jane Austen ! On se la représente vieille fille. On la découvre jeune et courtisée, souffrant des déceptions amoureuses. On l’imagine résolue dès le plus jeune âge à vivre de sa plume. Les pages la dévoilent son incertitude, sa crainte de l’échec. On pense son chemin tout tracé et l’histoire nous révèle que plusieurs fois Jane aurait pu faire basculer son destin et se marier. Quel courage lui a-t-il fallu pour assumer de rester célibataire ! Quelle remarquable lucidité eut-elle de refuser de se compromettre dans le mariage ! De comprendre si clairement la tractation financière qu’il représentait mais surtout la place auquel il réduisait les femmes. Épouses et mères n’existant que par leurs maris et soumises au danger de mourir en couches.  » Sans pèze, une femme ne pèse rien justement » nous dit la biographe. Douloureux constat tiré par Jane elle-même qui retirera une immense fierté de la petite indépendance financière tirée de ses livres.

Catherine Rihoit se penche également sur un élément clef de la vie de Jane Austen : sa relation avec sa soeur Cassandra. Ce que dévoile Catherine Rihoit de la relation sororale est moins idéal que le portrait qu’en dresse Jane dans Pride&Prejudice à travers Elisabeth et Jane ou dans Sense&Sensibility avec Elinor et Marianne.
Liées de façon presque indissociable par leurs places de filles de la fratrie, les deux femmes ont une relation quasi-fusionnelle, mais jalonnée aussi de certaines jalousies et de reproches muets. Que chercha à préserver Cassandra en brûlant les lettres de Jane ? Était-ce l’image de sa soeur ou son souvenir d’un lien harmonieux ? Nous ne le saurons jamais.

De Jane Austen, je savais beaucoup de choses, mais elle ne fût probablement jamais aussi proche que dans cette biographie. Certes, les seuls éléments tangibles dont on dispose, sont connus pour une grande partie. Parfois même ce sont les romans qui nous les dévoilent comme l’amour des livres de son père, l’hypocondrie de sa mère, le manque d’argent auquel on pallie… Mais Catherine Rihoit met les choses en perspective sous un angle différent, permettant d’approcher Jane Austen de façon plus intime. De la rendre plus humaine. Elle nous livre tant de matière vive à appréhender, à analyser que c’en est passionnant. Pourtant Jane reste un mystère. Et ce nouvel éclairage ne fait que mettre davantage en lumière le talent et l’esprit qu’il lui a fallu pour tirer une oeuvre si incroyablement intemporelle et moderne de son existence.

7 réponses à “Jane Austen : un coeur rebelle”

  1. Je savais que cet article serait passionnant mais maintenant en plus j’ai envie de me jeter sur cette bio ! =D
    Enfin d’abord, je pense qu’il faudrait que je lise Emma et Mansfield Park, les deux de l’autrice que je n’ai pas lu !

    Aimé par 1 personne

    • J’ajouterais de mémoire que Mansfield Park a été adapté en film avec Billie Piper. Il y aura une autre biographie de Jane Austen qu’il faudra que je chronique et qui fait figure de référence : Un portrait de Jane Austen de David Cecil

      Aimé par 1 personne

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

%d blogueurs aiment cette page :