Petite introduction du Pourquoi du comment
Je suis cinéphile. Pas le type de cinéphile qui connait sur le bout des doigts la filmographie de Truffaut ou les dialogues d’Audiard. Quoique… Plutôt de ceux qui s’intéressent aux rouages et se délectent des making-of. Du coup je vous propose de découvrir ceux qui font les films mais auxquels on ne pense jamais. Ou si peu. Les magiciens méconnus du petit et du grand écran.
Pour ouvrir le bal : le D.O.P cet inconnu. D.O.P ou Directeur de la Photographie. Je le dis parce que personnellement j’ai mis du temps à décoder cet acronyme mystérieux inscrit sur les claps.
[Merci à l’équipe technique de Sherlock qui a la gentillesse de twitter des photos de ses claps pendant les tournages, ce qui m’a permis d’élucider ce mystère. Sources Twitter et Cumberbatchweb.]
D.O.P, dit aussi chef opérateur, l’homme qui a l’honneur de figurer sur un clap juste sous le réalisateur. Pas mal pour un mec qui s’occupe de changer les ampoules me direz-vous.
Oui mais non. Ce n’est pas si simple, jeune padawan.
D.O.P : l’art de la lumière
Le D.O.P est un spécialiste de l’esthétique de l’éclairage. Oui ça en jette. Tout de suite on se dit qu’il ne se contente pas d’appuyer sur un interrupteur ou de changer la gélatine d’un spot. C’est aussi un spécialiste des procédés photographiques et de l’utilisation de la caméra. CQFD.
Et là je sens que ça s’embrouille. Mais il fait des photos finalement ?
Pour faire plus clair, il va jouer sur la lumière pour parvenir à donner à la scène l’ambiance suggérée/ voulue par le scénariste ou le réalisateur. Il participe donc tout autant que ce dernier à donner toute sa charge émotionnelle au film et une véritable « texture » à chaque scène. Sa lumière va participer à la transcription de la vision du réalisateur. Je pense ici en particulier à des exemples comme Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet ou Gladiator de Ridley Scott. Deux films qui ont une empreinte artistique particulière au niveau de la lumière, où celle participe à la narration.
De la même façon, le travail de la lumière dans le spécial de Sherlock, The Abominable Bride, dirigé par Douglas McKinnon, permet de faire la transition entre l’époque victorienne et le monde moderne. L’époque victorienne a une lumière plus douce, plus tamisée, notamment en intérieur, faisant référence à l’éclairage au gaz. Tandis que le monde moderne a une lumière blanche, presque métallique, plus crue. Une excellente façon de vous démontrer à quel point le travail du D.O.P est crucial dans l’élaboration d’un film. Même si en tant que spectateur, nous en avons rarement conscience sur le moment.
Talents techniques, artistiques et équipe.
Le D.O.P doit donc avoir la même qualité de regard qu’un photographe avec son appareil. Il évalue en permanence ce que va donner une scène, une fois filmée, à la fois dans sa cohérence temporelle et lumineuse (jour, nuit, après-midi, éclipse, apocalypse, neige, brouillard… ) et dans son rendu émotionnel. On peut citer à titre d’exemple l’ambiance lumineuse marquante de The Dark Knight rises .

Le D.O.P se projette donc en permanence pour imaginer, évaluer le rendu, estimer s’il va être cohérent avec le désir du réalisateur, l’ambiance du film, ce qu’il va apporter. Il est comme un peintre à qui on donne un canevas et qui doit choisir les couleurs sur sa palette et le juste moment de la journée pour peindre. Prendra-t-il une lumière naturelle ou artificielle ? Tout dépend du propos qu’il veut faire passer.
Il donne aussi son avis sur les textures et couleurs des décors et costumes, toujours par rapport au rendu final à l’image.
De la même façon, il est responsable du choix de la caméra et des objectifs.
Mais il a beau être un magicien de l’image, notre héros de l’ombre (et de la lumière. Jeu de mots nuls. Il est pour moi) ne fait pas tout cela tout seul. Sous sa tutelle se trouve l’équipe Prise de vue qui comprend 3 chefs de postes :
– L’opérateur prise de vue et son premier assistant : fonctionnement caméra et mise au point.
– Le chef machiniste et son équipe : transport matériel, accessoires, décors et éclairages
– Le chef électricien : mise en place et manipulation des éclairages.
Hé oui ! Mine de rien, trouver la bonne ampoule c’est un sacré métier ! Bien plus complexe qu’un joli titre sur un clap finalement. Pensez-y la prochaine fois que vous verrez une scène qui vous tapera dans l’oeil au cinéma et jetez un oeil au générique pour rendre à César le génie de sa lumière.
Sources
- L’art du film, une Introduction (2ème édition française), David Bordwell, Kristin Thompson. Editions De Boeck
- Sources Images: Photos promotion Sherlock, BBC ( source Cumberbatchweb) / Allôciné
- Merci à Matthieu-David Cournot, Directeur de la photographie sur l’émission Secrets d’Histoire pour sa relecture et ses précisions.
5 réponses à “Le D.O.P, cet inconnu”
Si tu veux avoir plus d’informations sur le rôle du DOP et de quelques autres techniciens du cinéma, j’en ai appris beaucoup dans Side by Side, le documentaire de Chris Kenneally où Keanu Reeves interroge réalisateurs et techniciens sur le passage du film au numérique.
https://fjva.wordpress.com/2014/06/16/side-by-side-documentaire-et-qa-avec-keanu-reeves-champs-elysees-film-festival/
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Ah merci beaucoup.J’adore ce genre de document.
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D’ailleurs j’avais vu cet article sur ton blog mais je n’avais pas eu le temps de tout visionner. Je vais rattraper ça de ce pas.
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[…] de prises de vue qui est chapeautée par un monsieur dont je vous ai déjà parlé : le D.O.P (Director of Photography), autrement appelé (roulement de tambours !) Chef opérateur. C’est lui qui, en étroite […]
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[…] je vous présentais la fonction de D.O.P / Directeur de la Photographie dans un Have you met, j’ai longtemps cherché comment vous représenter à la fois tout […]
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