Sherlock Holmes. Une vie.

Résumé.

Editions Les Moutons Électriques. Parution : février 2011  Prix : 19€

Sherlock Holmes

a existé !

Mon avis : The game is never over.

 » Et si…  » tel est le postulat de cette collection Bibliothèque Rouge des Moutons Électriques.

Et si… Fabuleux fantasme n’est-ce pas ?

Et si Sherlock Holmes avait véritablement existé ?

Et si Sir Arthur Conan Doyle n’avait pas été le génial créateur d’un personnage légendaire qui allait fasciner ses lecteurs à travers les siècles, mais l’ami, collègue et agent littéraire d’un certain John. Hamish. Watson ?

Partant du Canon comme fil directeur et coeur de leur fascinante toile, André-François Ruaud et  Xavier Mauméjean tissent tout un réseau d’hypothèses, de conjectures, toutes très étudiées, autour de la supposée vie du génial détective et sur son entourage. Ils supputent ainsi par exemple sur l’état du mariage de Watson, les raisons de ses multiples départs et retours à Baker Street, l’évolution de ses rapports avec Holmes. Ses liens supposés et possibles avec Arthur Conan Doyle, les véritables noms et lieux maquillés dans le Canon et les raisons qui motivèrent pareille précaution de la part du bon docteur. Les véritables fonction du frère aîné des Holmes (qui serait le premier M se cachant derrière le MI-6.) ou les raisons du caractère parfois étrange du détective. Autant d’analyses et de points qui constituent des pièces importantes du puzzle de la vie de Holmes.

Mais nos deux auteurs ne travaillent pas que la matière vive du Canon, loin de là. Avec une rare dextérité et se basant sur nombre d’études et de recherches antérieures, ils allient ces éléments fictionnels à un contexte politique, historique, sociologique, culturel pour ancrer avec force notre détective consultant dans le réel.

Augusta_Holmès

Lançant par exemple différentes pistes sur l’ascendance de Holmes, ils lui élaborent une plausible généalogie fondée sur des personnes réelles. Notamment une certaine Augusta Holmès (1847-1903) française et musicienne de renom, contemporaine du monsieur, d’origine britannique et irlandaise (une inspiration de Doyle quant aux origines françaises et irlandaises de Holmes et à son goût pour la musique et le violon ?) qu’ils voient comme une cousine possible de notre détective.

Avouez que la piste est séduisante, si ce n’est troublante… De la même façon, ils s’attaquent à ses études, ses différentes adresses, sa jeunesse confrontant chaque idée aux éléments donnés par le Canon et aux moeurs ou faits de l’époque.

Considérant chaque hypothèse qui fût un jour lancée au sujet de Holmes, ils analysent, dissèquent, conjecturent, jusqu’à reconstituer, autour de la chronologie et des faits donnés par le Canon, un contexte solide, structuré et cohérent autant quant à la personnalité de Holmes que quant à son époque. Chaque élément évoqué ramène à une parcelle de la personnalité ou des habitudes du grand détective.

Telle la consommation libre et à usage médicinal de la cocaïne, vantée par Freud lui-même qui n’est pas sans expliquer l’addiction de Holmes et sa facilité à la satisfaire. Cela s’achète dans la boutique au coin de la rue, ma bonne dame. Même le fameux dosage à 7% est expliqué, indiquant que la solution était vendue dosée à  10%, donc que Holmes lui-même devait déjà la diluer, sans compter l’intervention de Watson.

Ou encore le contexte de modernisation galopante de Londres (multiplication des gares, modification de la ville, apparition du premier métro souterrain, de l’éclairage électrique, du téléphone) alors même que notre détective semble profondément réfractaire à ces progrès techniques, s’obstinant à envoyer des télégrammes ou prendre des cabs. Lui qui a pourtant en matière de déduction, deux longueurs d’avance sur les méthodes de Scotland Yard. Holmes, bien que résolument moderne dans ses méthodes, est l’homme d’un monde ancien appelé à disparaître.

“There’s an east wind coming all the same, such a wind as never blew on England yet. It will be cold and bitter, Watson, and a good many of us may wither before its blast. But it’s God’s own wind none the less and a cleaner, better stronger land will lie in the sunshine when the storm has cleared.”

In His Last Bow (1917). Arthur Conan Doyle

Ou aussi le pourquoi du comment géographique, sociologique et administratif qui explique que Holmes ne fût pas lancé sur la trace de Jack The Ripper, alors qu’ils furent contemporains. Si vous pensiez là tenir une preuve indiscutable de la non-existence de Sherlock Holmes, cette partie va vous faire ravaler votre moustache, tant elle est brillamment étayée.

Plus qu’une biographie c’est un petit pan de l’histoire anglaise et londonienne qui s’écrit à travers la vie de Sherlock Holmes. Dans cet étrange ballet entre histoire et fiction, nos auteurs amènent à se croiser aussi bien nombre de personnages historiques (Oscar Wilde, J.M Barrie, le roi Edouard VII) que des personnages littéraires tels Hercule Poirot, Arsène Lupin qui côtoyèrent Holmes dans d’innombrables pastiches. De cette façon subtile ils parviennent à insérer la fiction dans la réalité sans déranger les faits, ni d’un côté, ni de l’autre. Les auteurs de caractères fictionnels se retrouvant alors élégamment placés au rang d’agents littéraires (Oh ! Que le jeu sur les mots est joli !) tel Doyle pour Watson. Doyle dont la ligne de vie se trouve habilement enroulée autour de celle de son personnage et que nous retrouverons, en toute logique dans le contexte, à plusieurs points du récit. C’est d’ailleurs quelques lignes après avoir salué son départ, le 7 juillet 1930, nous laisserons Holmes, faute de plus de données, comme à la fin d’un rêve, à son immortalité. André-François Ruaud et  Xavier Mauméjean nous quittent en citant le Times qui allégua en 1957 que « puisque aucune nécrologie n’était à ce jour parue, Sherlock Holmes devait être toujours vivant. » Il n’était pas meilleure façon je pense de terminer cet ouvrage qui ravira sans conteste les amoureux de l’oeuvre de Doyle.

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Un petit avertissement néanmoins : pour ne point se perdre entre réalité et fiction, il est préférable pour cette lecture d’avoir d’une bonne connaissance du Canon, d’être doté d’un bon sens du discernement teinté d’une touche de culture générale et d’un soupçon de sens du second degré.

Bonus appréciable, à la fin de l’ouvrage, vous trouverez une généalogie globale récapitulative pour vous repérer, une liste de nouvelles citées ainsi que, petit bonus appréciable, quelques pastiches et analyses qui nous aident à ne pas quitter Holmes trop vite. Délicate attention des auteurs ! Grâce leur soit rendue, mon petit coeur ne s’en remettait pas. 

Pour ma part, j’aimerais remercier nos deux auteurs pour leur ouvrage qui m’a ravi. Il est, pour moi, de ces livres pour la subtilité desquels on tombe en amour. La couverture m’avait déjà séduite, le reste m’a fait succomber. Personne encore ne m’avait dit que Sherlock signifiait en vieil anglo-saxon « cheveux clairs » et donc par extension « lumineux ». Rien pour cette précision tant recherchée, ils ont ma reconnaissance éternelle. 

Par leur précision, leur travail de recherche et de documentation intégrant de nombreux corpus littéraires et ouvrages de recherches, leur humour aussi, ils m’ont rendu Sherlock Holmes plus vivant que jamais, presque palpable à travers son époque et son intimité avec Watson. Mais surtout ils m’ont ouvert une formidable porte sur l’inspiration de Sir Arthur Doyle et ses influences. Au travers de la vie son personnage, c’est une part de lui que j’ai pu effleurer du doigt… 

11 réponses à “Sherlock Holmes. Une vie.”

  1. J’ai beau être fan de Sherlock je crains ne pas connaître assez bien le Canon pour ne pas me perdre durant la lecture. Mais ta chronique est vraiment magique, elle donne envie de se ruer dans une librairie trouver cet ouvrage ( uh, difficile à 22h passé ), et je pense quand même essayer de m’en emparer parce que tu en parles tellement bien. Rendre Sherlock plus vivant, c’est terriblement tentant, ça a l’air d’être une expérience à part entière que de lire ce livre !
    Et merci, je peux mourir moins bête, je sais enfin ce que signifie Sherlock. J’ai envie de dire que tu m’as apporté lumière mais ça fait un jeu de mot ridicule, oopsie.

    J’aime

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