Étranges, étranges ces derniers jours pour le paysage audiovisuel français. Se succèdent les annonces, laissant au téléspectateur comme une lassitude, un méchant goût d’amertume désabusée… Et tandis que les meilleurs partent les premiers comme on dit, nous restent, hélas, les Hanouna et autres stupidités débilitantes en guise de plateau repas télévisuel.

Atchao les Guignols

Clap de fin définitif pour Les Guignols de l’Info annoncé vendredi dernier. Après 30 ans de diffusion et une longue agonie de 3 ans, le rideau tombe sur les marionnettes. Pas de trentième saison.

Et l’on pousse un discret soupir de soulagement, car le spectacle de la coquille désormais creuse de nos Guignols était un crève-coeur à regarder. Le travail de sape lancé en 2015 par M. Bolloré aura fait son oeuvre… Patiemment. La vengeance est un plat qui se mange froid, n’est-il pas ?

C’est sans surprise. Pourtant, j’en ai la larme à l’oeil. De rage et de dégoût face à ce gâchis.

Les Guignols de l’Info (d’avant Bolloré) ce n’était pas toujours du meilleur goût j’en conviens, mais je les voyais comme une sorte de rempart contre l’immunité du pouvoir. Ce que parfois on pensait tout bas, Les Guignols le disaient tout haut. Parfois avec bienveillance. Parfois avec férocité. C’était la liberté de brocarder, moquer, dénoncer, toucher les points sensibles des politiques et soulever les questions qui fâchent. Un gage de la liberté d’expression et l’ultime vestige de l’esprit Canal.

Je ne vous dis pas Atchao les gars. Pour moi, ça fait 3 ans que vous aviez disparu et vous ne vous êtes jamais remis de votre trépas (2). Mais je vous aimais.

France Télévisions mon amour…

La rumeur courait depuis novembre 2017, mais c’est désormais officiel depuis deux jours : France 4 libère le canal hertzien 14  et France Ô a des braises sous le postérieur. Ce sont là les conséquences de la superbe réforme de l’audiovisuel public.

• France 4 supprimée de la TNT
• France Ô en sursis
• France 3 se recentre sur les régions

Il n’y a pas à dire, ça c’est de la réforme !

Et la geek en moi a un pincement au coeur. Initialement orientée « jeunesse et nouvelles générations« , France 4 avait pour atout, outre d’avoir récupéré les Minikeums et Il était une fois la vie, d’avoir été une chaîne ouverte, parfois originale, parfois audacieuse, tentant l’innovation. Preuves à l’appui.

C’est sur France 4 que furent diffusés, entre autres, Broadchurch, Black Mirror ou Beign Human. C’est France 4 encore qui prit l’initiative après Comédie! d’offrir un créneau en prime time à HeroCorp pour les saisons 3 à 5.

Enfin, sans France 4, pas de Sherlock, ni de Doctor Who.

Plus qu’une chaîne jeunesse, France 4 m’apparaissait comme une chaîne avec un joli potentiel geek où je me plaisais à passer pour faire des découvertes. Même si j’ai conscience que 2% de parts de marché ce n’est pas suffisant pour faire face à la concurrence.

Certes, on a toujours la possibilité de la retrouver sur Internet. Cependant, expulsée de la TNT et cantonnée au numérique, je crains que la chaîne n’ait plus ni la visibilité suffisante, ni les fonds qui vont avec, pour aller glaner des pépites Outre Manche. Osons le dire franchement, pour le Docteur en France, ça sent le sapin.

Ce qui gêne dans cette réforme, c’est que cela sent l’économie de bouts de chandelle, sans réel projet de fond. Rien de tangible à l’horizon. Si le mot d’ordre n’était pas ostensiblement de faire des économies, je serais presque tentée de dire que c’est une réforme gratuite. Mauvais jeu de mots.

Car « anticiper et oser » d’accord. Et après concrètement? C’est formidable de sortir les belles formules pour la presse et de parler financement, économies et redevances, mais quid de la qualité des programmes ? Que vais-je pouvoir trouver de nouveau et d’intéressant sur mon petit écran ? Est-on condamnés à rester coincés entre du public avec quelques programmes qui tapent dans le haut du panier et du privé avec Hanouna et les Anges tagada-tsoin-tsoin ?

Ou pendant que le PAF se réforme, allons-nous définitivement démissionner de la télévision pour nous cantonner au numérique ?

 Investir 150 millions de plus par an dans le numérique d’ici 2022

« Sanctuariser » ses investissements dans les séries, les documentaires

Reconquérir la jeunesse, retrouver les territoires. Nous portons l’ambition d’un média global à vocation universelle, capable de résister à une concurrence nouvelle et de répondre aux attentes nouvelles du public.

Source Le Monde

Dit Françoise Nyssen, la ministre de la culture, dans son interview au Monde de ce lundi 4 juin.

Quand on voit qu’une des rares chaînes à avoir misé sur des séries étrangères de qualité et la seule à avoir investi 14 millions dans l’animation en 2018,  est la première à faire les frais de la réforme, il plane comme l’ombre d’une perplexité…

Bibliographie

• Le Monde : L’audiovisuel doit anticiper et oser
• Le Monde : La suppression de France 4 irrite auteurs et producteurs d’animation
• Le HuffPost : Avec la disparition de France 4 de la TNT, où vont atterrir ses dessins animés ?
• L’Opinion : France 3 renforcée, France 4 supprimée, Nyssen annonce de gros changements dans l’audiovisuel public.

(1) Il fallait bien un petit gif pour alléger cet article, n’est-ce pas ? Dédicace à Bigre et au Baz’art des Mots.

(2) Merci à July pour la formule.