Résumé.
Editions Delcourt. Parution : août 2016 Prix : 22.90€
« Marguerite se sent décalée et lutte chaque jour pour préserver les apparences. Ses gestes sont immuables, proches de la manie. Son environnement doit être un cocon. Elle se sent agressée par le bruit et les bavardages incessants de ses collègues. Lassée de cet état, elle va partir à la rencontre d’elle-même et découvrir qu’elle est autiste Asperger. Sa vie va s’en trouver profondément modifiée.«
Mon avis.
Marguerite a vingt-sept ans, un travail qui ne la passionne pas plus que cela mais qu’elle fait consciencieusement, un petit ami pour lequel elle fait des efforts, des chats, un petit chien. Mais Marguerite ne se sent pas à l’aise dans les interactions sociales, ne sait pas quoi dire à la machine à café, ne comprend pas le second degré, passe pour une bizzaroïde aux yeux de ses collègues, quelqu’un de pas assez corporate aux yeux de sa direction. Marguerite a besoin de rituels, de tissus doux, de silence, d’organisation. Les odeurs et les sons excessifs sont des agressions physiques pour elle. Sortir de son cocon, de sa routine et affronter l’imprévu est pour elle source d’une angoisse incommensurable. Et ça Florian, son petit ami, ne le comprend pas non plus.
Marguerite est fatiguée d’être jugée, sermonnée, qu’on lui reproche sans cesse de ne pas faire d’efforts alors que chaque action sociale lui coûte énormément. Des efforts, elle en fait. Des tas. Tout le temps. Pour être comme les autres. Mais personne ne le voit…
Alors Marguerite décide d’aller à la rencontre d’elle-même, de prendre les choses en main. Découvrir qu’elle est austiste Asperger va être une libération, un droit à la différence, le droit d’être anormale et d’exister en tant que telle, sans chercher à se conformer à une norme. Mais le combat n’est pas gagné pour autant. Face à l’ignorance et aux préjugés liés à l’autisme et au syndrome d’Asperger, le chemin est encore long à faire. Mais Marguerite a découvert sa voie : elle va faire découvrir sa différence invisible aux autres. Comme à travers cette bande-dessinée…
A travers Marguerite, c’est Julie Dachez, la scénariste, elle-même Asperger, qui nous livre une part de son vécu, de son expérience de façon touchante. Avec humour et simplicité, elle nous dévoile les difficultés du quotidien, les rituels rassurants, les tentatives d’adaptation, la libération du diagnostic et surtout, surtout le regard des autres : les réflexions, les jugements, les regards de travers, les erreurs de diagnostic, le manque d’information.
Mise en bulles et images avec finesse par Mademoiselle Caroline (je vous en avais déjà parlé ici) dont les illustrations empreintes de réalisme et de sensibilité apportent un plus indéniable, La différence invisible est le fruit d’une subtile (mais parfois délicate) collaboration entre ces deux talents.
Étayée par une préface de deux spécialistes de l’autisme, une bibliographie et un livret final sur les spécificités distinctes de l’autisme ET du syndrome d’Asperger, La différence invisible nous permet de mieux comprendre ce qu’il y a derrière ces diagnostics souvent mal compris ou mal identifiés par le public. En nous immergeant dans le quotidien de Marguerite, elle nous permet aussi d’aller à la rencontre de l’autre. Celui dont on ne voit pas la différence, dont on ne connaît pas la souffrance.
Pour paraphraser Alexandre Astier dans Kaamelott, je dirais qu’à l’issue de cette lecture, on se rappelle que celui que l’on juge différent, l’est par rapport à une norme, mais que pour lui c’est nous qui sommes différents. Or, les gens atteints du syndrome d’Asperger font l’effort de tenter de s’adapter à nous, à nos normes, à notre façon de fonctionner. La réciproque est-elle vraie ?
La différence invisible est une ode à la tolérance, à l’absence de jugement, de préjugés relatifs à une norme pré-établie. Elle nous invite à nous remettre en question quant à nos jugements sur ceux qui sont, comme le dit Julie Dachez, « trop comme ceci » « pas assez comme cela ». Tous ceux dont on juge qu’ils pourraient faire un effort parce-qu’à nous, ça nous paraît facile.
Pour conclure cette chronique, je terminerais vous livrant la préface pleine de sagesse e d’intelligence de Julie Dachez qui a longuement résonné en moi tout au long cette lecture…
En savoir plus :
N’oubliez pas que la bande-dessinée est complétée par une abondante bibliographie, n’hésitez pas à y jeter un oeil, ainsi qu’au livret qui la conclut.
- Le blog de Julie Dachez : emoiemoietmoi.
- Sa chaîne Youtube : Super Pépette
13 réponses à “La différence invisible.”
J’ai vraiment beaucoup aimé cette BD, très intéressante !
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Je la trouve intelligemment pensée et très ludique.
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Jolie critique, sans elle, qui plus est, je n’aurais jamais entendu parler de cette bédé.
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Merci. Je suis toujours contente de faire faire des découvertes.
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Je ne savais pas qu’elle avait un chaîne youtube ! Merci pour la découverte 🙂
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Avec plaisir ! Si je peux faire découvrir ou apporter des plus.
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Très touchant! Merci pour la découverte 😘
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Lue et adorée… si bien écrite et mise en images !
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Depuis que j’ai découvert l’existence de ce syndrome, j’ai souvent l’impression d’être en début du spectre. Mais comme je sais qu’il faut éviter les auto-diagnostics Doctissimo, chaque témoignage comme celui-là me fait me demander : combien de gens ont en fait les mêmes difficultés que moi à « faire comme les autres », mais se forcent plus que moi parce qu’ils ont été plus forcés à se couler dans le moule? (Et sont moins têtus que moi… être une tête de pioche, des fois, sur le long terme… ça a du bon 😛 )
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J’ai eu le même réflexe il y a une dizaine d’années (Asperger?) mais non, c’est pas ça. Finalement, j’en viens peu à peu à accepter le fait de ne « pas être comme les autres, ni faire comme les autres ». Même si c’est pesant, parfois (parlons de la pression sociale et du conformisme, particulièrement au sein de’un groupe.
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[…] La différence invisible de Mademoiselle Caroline et Julie Dachez. Album. Editions Delcourt. […]
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[…] le syndrome d’Asperger ou certains syndromes dérivant du spectre autistique peuvent être une différence invisible, même pour celui qui les vit, Paddy Considine en est une éclatante. Quelle revanche […]
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[…] # 4 : La différence invisible […]
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